Le stade olympique de Bakou, illuminé en rouge, en 2018. / Tofiq Babayev / AFP-Services

Que mange Aleksander Ceferin, président de l’UEFA, pour démarrer la journée ? Jürgen Klopp aimerait bien le savoir : « Les gars [de l’UEFA] qui décident du lieu des finales, je ne sais pas ce qu’ils prennent au petit-déjeuner », a dit l’entraîneur allemand de Liverpool vendredi 10 mai, interrogé sur l’organisation de la finale de Ligue Europa à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan.

Le choix du stade de Bakou, en Asie, pour accueillir une finale de Coupe d’Europe de football a été fait par le comité exécutif de l’UEFA en 2017. Trois ans plus tôt, sous la présidence de Michel Platini, il avait offert au régime autoritaire d’Ilham Aliev des matches de l’Euro 2020, organisé dans 13 villes d’Europe. Tout cela après qu’en 2013, la SOCAR, géant énergétique de l’Azerbaïdjan, est devenue sponsor majeur de l’UEFA.

Comme l’a souligné Jürgen Klopp, la probabilité qu’un club relativement proche de Bakou atteigne la finale de la Ligue Europa était très faible. La capitale de cette république du Caucase partage une frontière avec l’Iran et se trouve plus à l’est que Bagdad. Parmi les villes accueillant des clubs de haut niveau européen, seules Istanbul et Moscou sont à moins de quatre heures d’avion, et la finale se disputera à 23 heures locales pour être diffusée en « prime-time » en Europe occidentale. Deux ans après, l’UEFA se trouve donc rattrapée par son choix « irresponsable », selon Jürgen Klopp, les deux clubs qualifiés pour la finale du 29 mai étant basés à Londres.

Les supporteurs de Chelsea et Arsenal, très organisés, ont vite réalisé les difficultés d’assister à la finale européenne. Aucun vol direct n’existe entre Londres et Bakou la semaine de la finale, et les solutions à une escale sont très coûteuses, dépassant les 1 500 euros. Il est possible de profiter d’un vol direct partant le samedi 25, et ainsi jouir d’une semaine dans la capitale azerbaïdjanaise pour visiter le musée du tapis ou le plus grand KFC du monde. Mais la solution la plus économique consiste à prendre le train, qui ralliera Bakou en… quatre jours. Ou la voiture, mais la ligne de front de la guerre du Donbass, occupée par les séparatistes russes, est sur la route.

Moins d’un billet sur cinq pour les supporteurs

Les supporteurs britanniques sont malgré tout connus pour leur entêtement à accompagner leurs joueurs en Europe, et se sont donc rués sur les places disponibles. Avant de constater qu’il y en avait très peu : l’UEFA n’a alloué que 6 000 billets à chacun des deux clubs qualifiés, pour un stade olympique de 68 700 places. Moins d’un billet sur cinq sera donc disponible pour les supporteurs des deux clubs en lice, contre, par exemple, 39 % l’an passé pour la finale à Lyon entre l’Atletico Madrid et Marseille, ou 51 % il y a deux ans pour la finale Liverpool-Séville à Bâle.

La confédération européenne s’en est expliquée avec un raisonnement bien à elle : « Il est impossible de prévoir à l’avance quels clubs seront en finale alors que son site doit être déterminé avec deux ans d’avance. Offrir davantage de tickets aux fans des finalistes, sans avoir la garantie qu’ils pourront se rendre à Bakou dans des conditions convenables, était par conséquent une option irresponsable. » Ainsi, le lieu de la finale étant inaccessible, il était impossible de prévoir que des supporteurs aient envie d’y assister. Imparable.

Ce mépris du public peut surprendre de la part de l’UEFA qui, comparativement à d’autres organisations sportives, a l’habitude d’intégrer les associations représentatives de supporteurs. Le 29 mai, à l’occasion du comité exécutif de l’UEFA qui se tiendra également à Bakou, elle devrait ainsi fixer un plafond au prix des billets pour les supporteurs visiteurs en Coupe d’Europe, jusqu’alors déterminé librement par les clubs hôtes.

Il reste probable que les Britanniques soient majoritaires dans le stade olympique de Bakou, construit par l’ancienne république soviétique il y a quatre ans pour accueillir les premiers Jeux Européens. Mais il leur aura fallu racheter à grands frais les billets mis à disposition pour le grand public ou les partenaires commerciaux de l’UEFA. Samedi 11 mai, les billets les plus accessibles étaient cédés pour une centaine d’euros sur la principale plateforme de revente.

Dès le mois de mars, l’association Football Supporters Europe, l’organisation des supporteurs européens reconnue comme interlocuteur par l’UEFA, s’alarmait également de l’organisation de la finale dans un pays connu pour sa politique répressive en matière de droits de l’homme, notamment vis-à-vis des homosexuels. Sous la pression de l’UEFA, elle-même alertée par FSA, Bakou a accepté le mois dernier d’ôter une question de ses demandes officielles de visa : les requérants devaient indiquer s’ils étaient ou non porteurs du virus HIV.

L’Arménien Mkhitaryan pourra jouer

Bakou a annoncé vendredi 10 mai que Henrikh Mkhitaryan, meneur de jeu d’Arsenal, pourrait entrer dans le pays pour disputer la finale en dépit des tensions entre l’Azerbaïdjan et son pays, l’Arménie. L’UEFA a également dit avoir reçu des garanties de la part de la fédération azerbaïdjanaise de football, alors que Mkhitaryan a déjà été contraint de rater des rencontres disputées par sa sélection et son pays en Azerbaïdjan.

Les deux pays se disputent le territoire du Haut-Karabagh et sont techniquement en état de guerre. Le visa d’entrée en Azerbaïdjan est habituellement refusé à tout citoyen arménien et à toute personne d’origine arménienne.

Pourquoi le football est un sport si imprévisible (Datafoot Ep. 4)
Durée : 03:55