Le groupe allemand Bayer a présenté dimanche 12 mai ses excuses à la suite de révélations par Le Monde et France 2 d’un fichage illégal pour le compte de sa filiale Monsanto de centaines de personnalités concernant leur position sur les OGM notamment.

« Après une première analyse, nous comprenons qu’un tel projet ait suscité des inquiétudes et des critiques », a écrit le groupe agrochimique allemand, qui avait finalisé l’an dernier l’acquisition du géant américain des pesticides et des OGM. « Ce n’est pas la manière avec laquelle Bayer chercherait à dialoguer avec les différents groupes d’intérêt et la société et nous présentons en conséquence nos excuses », a-t-il ajouté en affirmant « ne tolérer aucun agissement qui soit contraire à l’éthique ». Bayer a dans le même temps estimé ne pas voir « pour le moment » d’éléments montrant que les listes établies pour le compte de Monsanto ont enfreint la loi.

Malgré tout, le groupe allemand dit vouloir charger un cabinet d’avocats d’examiner plus en détail le dossier et d’indiquer à toutes les personnes figurant sur ces fichiers controversés quelles informations ont été rassemblées les concernant. Bayer dit vouloir aussi coopérer avec les autorités judiciaires françaises.

Personnalités « à éduquer » ou « à surveiller »

Au lendemain de la révélation, par Le Monde et France 2, du fichage de centaines de personnalités, classées en fonction de leurs opinions sur le glyphosate, les OGM ou les pesticides en général, le parquet de Paris a annoncé, vendredi 10 mai, avoir ouvert une enquête préliminaire. Elle vise notamment le chef de « collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite ».

Extrait des « fichiers Monsanto » / Philips

Monsanto aurait secrètement fait réaliser des listes par l’agence de communication Fleishman Hillard. Y figurent des centaines de responsables politiques, scientifiques et journalistes, pour lesquels sont indiquées entre autres leur position sur les pesticides, leur niveau de soutien à Monsanto, leurs loisirs, mais aussi leurs adresses et numéros de téléphone, y compris sur liste rouge, selon l’enquête de France 2. Un tableau met par ailleurs en lumière 74 « cibles prioritaires » divisées en quatre groupes : les « alliés », les « potentiels alliés à recruter », les personnalités « à éduquer » et celles « à surveiller ».

Extrait des « fichiers Monsanto » / Document Le Monde

Le Monde porte plainte

Après y avoir découvert plusieurs journalistes du Monde, le journal et Stéphane Foucart, journaliste au service Planète, ont porté plainte, le 26 avril, auprès du parquet de Paris pour quatre délits :

  • « mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel illicite » ;
  • « collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite » ;
  • « conservation en mémoire informatisée des données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques et philosophiques d’une personne sans son consentement » ;
  • « transfert illicite de données à caractère personnel faisant l’objet ou destinées à faire l’objet d’un traitement vers un Etat n’appartenant pas à l’Union européenne ou à une organisation internationale », les fichiers étant en anglais.

Désherbant le plus utilisé au monde, le glyphosate est classé « cancérigène probable » depuis 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il est commercialisé sous diverses marques, notamment le Roundup. Cette marque de produits continue à être vendue par Bayer. En revanche la marque Monsanto a, elle, disparu en tant que telle.