Quinze tablées de huit personnes. Des chefs d’entreprise, des consultants… Beaucoup de cravates et peu de tailleurs. En ce lundi 13 mai, l’Institut Montaigne invite ses membres à déjeuner sous les ors du cercle Interallié, dans le 8arrondissement de Paris. Au menu : le « fameux melon jambon revu par nos soins », un « filet de bar saisi aux tomates confites » et la campagne pour les élections européennes du 26 mai.

Le président de l’Institut, Henri de Castries, corédacteur du programme de François Fillon lors de la présidentielle 2017, se réjouit de proposer la « première et unique occasion » de voir débattre en duel Nathalie Loiseau et François-Xavier Bellamy, respectivement tête de liste de la République en marche (LRM) et du parti Les Républicains (LR). Les deux guignent le même électorat, celui de la droite libérale et modérée.

Echanges tendus

Francois-Xavier Bellamy à Paris, le 9 mai. / DENIS CHARLET / AFP

Caméras et micros ont été proscrits à l’entrée. « C’est pour avoir un vrai débat de fond », justifie un membre de l’équipe de Mme Loiseau. Pour ne pas donner, surtout, une audience trop large à ce débat, alors que la candidate caracole en tête des sondages, au coude-à-coude avec le Rassemblement national (RN). Son challenger reste, lui, englué à la troisième place, loin derrière.

Malgré le « tempérament calme » des deux protagonistes (selon le directeur délégué des Echos, Dominique Seux, animateur du débat), l’échange s’avère tendu. D’entrée, Nathalie Loiseau repeint François-Xavier Bellamy en conservateur apôtre d’une France « en noir et blanc », quand ce dernier renvoie le programme de son adversaire à « un projet classiquement issu de la gauche ». « Le progressisme, c’est la volonté de laisser à nos enfants un avenir meilleur », répond l’ancienne ministre des affaires européennes, avant de parler des siens (ils sont quatre) : « C’est pour eux que je suis en politique ».

Nathalie Loiseau à Caen, le 6 mai. / DAMIEN MEYER / AFP

Sur le fond, la candidate défend sa proposition de créer une banque européenne du climat et d’investir 1 000 milliards d’euros dans la transition écologique d’ici à 2024. « Politique classique de la gauche : on se donne un objectif de dépense », cingle François-Xavier Bellamy, très en verve sur le sujet. Quelques sourires entendus s’échangent dans la salle.

« Travailler ensemble »

Le débat roule naturellement sur les finances publiques. D’un côté, Mme Loiseau loue le « sérieux » du gouvernement, « qui a pris les réformes à bras-le-corps ». De l’autre, M. Bellamy regrette « l’absence d’une baisse sérieuse du nombre de fonctionnaires » et convoque les mânes de François Fillon, qui portait un projet « clair et structuré » en la matière.

« Il est très sérieux », souffle un homme, séduit, au moment où le candidat affirme son opposition à toute création d’un budget de la zone euro. En face, Mme Loiseau défend l’idée inverse. Elle aimerait que ce budget soit abondé, à terme, à hauteur de « deux à trois points » du PIB de la zone.

Au fond, les débatteurs du jour se sentent-ils plus proches l’un de l’autre que du RN ou de Place publique de Raphaël Glucksmann ? « Dieu merci, oui ! », s’exclame Nathalie Loiseau : « A l’évidence nous aurons à travailler ensemble au Parlement européen ». « On agira dans l’intérêt de la France », répond, du bout des lèvres, M. Bellamy. Pour l’électeur de droite, il est bientôt l’heure de passer à table.