LA LISTE DE LA MATINALE

Du mardi 14 au samedi 25 mai, la cinéphilie mondiale se retrouve au Festival de Cannes, pour sa 72e édition. A cette occasion, la liste musiques de La Matinale vous fait réécouter quatre chansons et un instrumental qui figurent dans des films primés à Cannes et qui ont marqué son histoire.

« Friendly Persuasion (Thee I Love) » pour « La Loi du Seigneur », de Wylliam Wyler

Pat Boone - Friendly Persuasion (Thee I Love) (1956)
Durée : 02:59

Nommé dans plusieurs catégories aux Oscars, dont celles de meilleur film et de meilleur réalisateur, La Loi du Seigneur, de Wylliam Wyler, obtint la Palme d’or à Cannes en 1957. Durant la guerre de Sécession, une famille de quakers, avec Jess à sa tête (Gary Cooper), s’efforce de suivre les préceptes de non-violence de sa religion. C’est le chanteur Pat Boone, vedette très populaire aux Etats-Unis alors, à qui revient le soin d’interpréter Friendly Persuasion (Thee I Love), chanson qui accompagne le générique d’ouverture, composition de Dimitri Tiomkin avec un texte de Paul Francis Webster.

Tiomkin, connu pour de nombreuses musiques de westerns, dont Duel au soleil, La Rivière rouge, Le train sifflera trois fois, Règlement de comptes à OK Corral ou Rio Bravo, signe une partition classique, avec force violons. La chanson sera reprise, dans une ambiance un peu plus country (avec effets de sabots d’un cheval) par le quartette vocal The Four Aces, par Johnny Mathis et par Aretha Franklin, en 1964, pas encore sacrée en reine de la soul music.

« Je ne pourrai jamais vivre sans toi » pour « Les Parapluies de Cherbourg », de Jacques Demy

Michel Legrand - Les Parapluies De Cherbourg 1964
Durée : 03:19

C’est lors de la 17e édition du Festival de Cannes, en 1964, que Les Parapluies de Cherbourg, film musical de Jacques Demy, reçoit le Grand Prix (l’équivalent de la Palme d’or attribuée pour la première fois en 1955, puis tombée en désuétude avant de revenir à partir de 1975). L’histoire d’amour entre Geneviève (Catherine Deneuve) et Guy (Nino Castelnuovo), dans le contexte de la Guerre d’Algérie – où Guy est appelé pour son service militaire –, est entièrement chanté, y compris pour les parties dialoguées. Michel Legrand a signé la partition et Jacques Demy les textes.

Si Deneuve et Castelnuovo apparaissent à l’écran, ce ne sont pas eux qui chantent, mais respectivement Danielle Licari et José Bartel. Le motif musical qui accompagne la chanson Je ne pourrai jamais vivre sans toi est présent à plusieurs reprises dans le film, d’abord dans le générique d’ouverture, puis diverses scènes dont la séparation des deux amoureux, le départ de Guy à la gare de Cherbourg et la séquence finale. En 1966, Norman Gimbel l’adaptera en anglais (I Will Wait For You), interprétée par Connie Francis puis, parmi d’autres, Frank Sinatra, Nana Mouskouri, Bobby Darin, The Walker Brothers…

« Suicide Is Painless » pour « M.A.S.H. », de Robert Altman

MASH film opening - suicide is painless
Durée : 02:47

A l’origine, la musique composée par Johnny Mandel pour M.A.S.H., de Robert Altman, Grand Prix à Cannes, en 1970, ne devait être qu’instrumentale. Pour l’une des scènes de cette comédie grinçante, d’après un livre de Richard Hooker, à propos du quotidien d’une unité d’un hôpital de campagne de l’armée des Etats-Unis (Mobile Army Surgical Hospital), durant la Guerre de Corée, en 1951, Altman souhaite une chanson. Elle doit être jouée durant le dernier repas de l’un des personnages, qui tellement déprimé après une panne sexuelle, veut se suicider – remis en forme, il ne le fera pas. Altman s’essaie à l’écriture du texte, sans succès, et demande à son fils, Michael, alors âgé de 14 ans, de s’en charger. Ce dont il se serait acquitté, selon la légende, en 5 minutes.

Durant cette séquence, c’est l’acteur Ken Prymus, dans le rôle du soldat Seidman, qui chante accompagné par un camarade à la guitare. Altman décide de garder une version chantée pour le générique d’ouverture, mais interprétée par un chœur masculin, jouant sur le contraste entre les images de l’arrivée des hélicoptères avec les blessés, l’aspect chansonnette pop-folk, et le texte sur le suicide qui serait indolore. Lors d’une réédition de l’album de la bande originale du film, en 1973, la chanson a été remplacée par une version instrumentale que le pianiste de jazz Ahmad Jamal venait d’enregistrer. Un autre pianiste de jazz, Bill Evans, la mettra à son répertoire. Et c’est aussi un instrumental qui servira pour le générique de la série télévisée qui a connu onze saisons, de 1972 à 1983.

MASH Opening TV Theme (Remastered)
Durée : 00:46

« Paris, Texas » pour le film « Paris, Texas » de Wim Wenders

Ry Cooder : Paris, Texas
Durée : 02:58

Travis (Harry Dean Stanton) réapparaît après quatre ans d’absence. Il ne se souvient pas de ce qui s’est passé, apprend à redécouvrir sa famille, un frère, une enfant, sa femme (Nastassja Kinski), qui est partie. Co-production franco-allemande, Paris, Texas, de Wim Wenders reçoit la Palme d’or en 1984. Le lent déroulé du film, avec ses séquences dans le désert, les trajets en voiture, la nuit, sa stylisation graphique, ses teintes de pleine lumière ou de couleurs allant du pastel au saturé, bénéficie d’une musique composée par le guitariste Ry Cooder, jouée quasiment en solo, avec ici et là la participation de ses confrères David Lindley et Jim Dickinson, au minimalisme tout en résonances et glissements, en accord parfait avec les images.

Le thème d’ouverture, qui accompagne l’apparition de Travis dans le désert et sa marche vers une station d’essence isolée, a été inspiré à Cooder par Dark Was The Night, Cold Was The Ground, du guitariste et chanteur Blind Willie Johnson. Une composition qui figure avec des musiques traditionnelles, des thèmes de Bach, Beethoven ou Stravinsky et le Johnny B. Goode, de Chuck Berry, sur les disques installés dans les deux sondes Voyager, lancées en 1977, qui comprennent aussi des images de la Terre, sa faune, sa flore, ses habitants, des textes littéraires… à destination d’une possible intelligence extra-terreste.

« You Never Can Tell » pour « Pulp Fiction », de Quentin Tarantino

Pulp Fiction - Dancing Scene
Durée : 02:23

Parmi les scènes mémorables de Pulp Fiction, de Quentin Tarantino, Palme d’or en 1994, il y a celle de la danse de Mia Wallace (Uma Thurman), épouse d’un gangster, avec Vincent Vega (John Travolta), chargé de la distraire lors d’une soirée. Ils participent à un concours de twist au Jack Rabbit Slim’s, restaurant au décor des années 1950. Alors que le film, construit en trois histoires distinctes, avec certains personnages en commun, a déjà montré plusieurs séquences de discussions, des fusillades et tueries, il y a là comme une courte respiration.

Pour ce film, comme pour le précédent, Reservoir Dogs (1992) et ceux qui suivront – à l’exception des Huit Salopards (2015) –, Tarantino ne commande pas une musique originale mais va chercher dans un répertoire de chansons et instrumentaux. Reservoir Dogs piochait dans les années 1970, Pulp Fiction, qui se passe dans les années 1990, va chercher dans les musiques surf, rock et pop des années 1950 et 1960. Dont Never Can Tell, du guitariste et chanteur de rock’n’roll Chuck Berry, chanson sortie en 1964, évocation d’un jeune couple qui s’est marié à La Nouvelle-Orléans. Coquetterie du texte, l’emploi du français pour le nom des personnages, Pierre et Mademoiselle, et la phrase « c’est la vie » dans le refrain.