Ils sont huit. Quatre réalisatrices, autant de réalisateurs. La parité dans la nouveauté. Justine Triet, Mati Diop, Jessica Hausner, Céline Sciamma, Ira Sachs, Diao Yinan, Ladj Ly et Corneliu Porumboiu vont pour la première fois concourir pour la Palme d’or lors de la 72e édition du Festival de Cannes, qui débute mardi 14 mai.

Si certains sont des habitués des ­sections parallèles, Mati Diop et Ladj Ly débarquent sur la Croisette, chacun avec un premier long-métrage – Atlantique pour la réalisatrice franco-sénagalaise, Les Misérables pour celui qui avait filmé les émeutes urbaines de 2005 à Mont­fermeil –, deux œuvres politiques enracinées dans leur époque et le vécu de leurs auteurs. La première est une chronique intime, nourrie des précédents courts-métrages de la réalisatrice, sur l’émigration vers l’Europe vue par des femmes dans une banlieue de Dakar ; la seconde, l’histoire vraie d’une bavure policière en Seine-Saint-Denis. Une scène filmée en 2008 par Ladj Ly, « l’homme à la ­caméra », comme il était surnommé dans sa ville alors qu’il s’était donné pour mission de documenter et de dénoncer les brutalités policières.

Irrévérence

Cinéaste engagée dans l’ouverture du cinéma à toutes les minorités – elle est, comme Justine Triet et Céline Sciamma, membre du collectif 5050 pour 2020, pour la parité hommes-femmes dans le cinéma –, Rebecca Zlotowski appelle à « laisser passer un peu d’air sur des vécus différents » (Le Monde des 12-13 mai). Elle-même présentera son nouveau film, Une fille facile, à la Quinzaine des réalisateurs, avec l’ancienne escort girl Zahia Dehar. Il y a assurément des « vécus » et des histoires passionnantes, intrigantes, chez ces réalisateurs qui viendront pour la première fois se mesurer aux vétérans cannois, Pedro Almodovar (Douleur et gloire), Quentin Tarantino (Once Upon a Time… in Hollywood), Jim Jarmush (The Dead Don’t Die) ou encore Ken Loach (Sorry We Missed You).

Ce vent de fraîcheur qui s’annonce ne fait pas seulement bouger la Sélection officielle et Un certain regard, notamment, où six premiers films seront présentés aux festivaliers. Du côté de la Quinzaine aussi, on innove. Paolo ­Moretti, qui succède à Edouard Waintrop au poste de délégué général, a dévoilé une sélection où figurent pas moins de seize longs-métrages tournés par des réalisateurs qui feront leurs premiers pas à Cannes. Avec Le Daim, de Quentin Dupieux, en ouverture et Yves, de Benoît Forgeard, pour la clôture, l’Italien a fait de l’excentricité et de l’irrévérence les deux bornes de son nouveau magistère.

« Cannes reste le festival des metteurs en scène, de ceux qui essaient de réinventer le cinéma et d’explorer des formes nouvelles, mais aussi le festival de ceux qui sont du côté d’un certain classicisme », déclarait au Monde Thierry Frémaux après l’annonce d’une Sélection officielle pensée à l’aune de ces deux ­cinémas. On saura le 25 mai au soir si les ­Palmes auront, elles aussi, joué la parité. A tous les niveaux.