Emmanuel Macron cherchait des prises de guerre à droite pour les élections européennes. Au delà des juppéistes. Il a finalement dû rabaisser ses ambitions, alors que la tête de liste Les Républicains (LR), François Xavier Bellamy, a su éviter l’hémorragie dans son camp. Dont acte. Le chef de l’Etat a choisi de s’adjoindre les services de Jérôme Peyrat, un ancien conseiller de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a rejoint la cellule politique du chef de l’Etat lundi 13 mai.

A 56 ans, l’ex-directeur général de l’UMP et maire depuis vingt-cinq ans du village de La Roque-Gageac, en Périgord noir, connaît par coeur la carte électorale française. Et plus encore celle des hommes et femmes de son camp qui restent susceptibles de rallier Emmanuel Macron, même s’ils n’ont pas sauté le pas pour le scrutin du 26 mai. M. Peyrat fut en effet la cheville ouvrière de La France audacieuse, un collectif lancé à l’automne 2017 pour rassembler les élus de droite et du centre Macron-compatibles. Présidé par Jean-Luc Moudenc et Christian Estrosi, les maires LR de Toulouse et de Nice, ce mouvement n’a finalement pas été le vivier que pouvait espérer La République en marche (LRM).

« On peut élargir plus » à gauche

« La poutre travaille encore », a coutume de dire le premier ministre, Edouard Philippe, pour évoquer la recomposition politique à l’oeuvre depuis l’élection d’Emmanuel Macron. A droite, elle a clairement marqué une pause ces derniers mois et Jérôme Peyrat qui a pris ses distances avec Laurent Wauquiez, notamment dans une tribune publiée dans Libération en juillet 2018, peut aider à relancer la dynamique, à l’approche des municipales.

A gauche, également, « on peut élargir plus », juge Aurélien Taché, député LRM du Val d’Oise, qui rappelle que « l’électotat d’Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle était de centre gauche ». « Il faut que les sensibilités de gauche issues du Parti socialiste, au sein de LRM, se structurent et s’expriment d’avantage », affirmait pour sa part Jean-Yves Le Drian, dans Le Parisien dimanche 12 mai.

Lundi, est arrivé un autre renfort au sein de la cellule politique de l’Elysée, Maxence Barré, un ancien du MJS issu de la fameuse « bande de Poitiers » (ces jeunes macronistes, issus de la gauche, ayant étudié ensemble à Poitiers). Directeur du pôle politique à La République en marche avant d’être le directeur de cabinet de son patron Stanislas Guerini , il a pour sa part une connaissance intime de la majorité présidentielle.

Une dernière arrivée à l’Elysée viendra compléter le dispositif dans les prochains jours, celle de Julien Autret, un administrateur du Sénat issu lui aussi de la gauche qui, après avoir travaillé aux côtés de Gérard Collomb à l’intérieur, avait rejoint l’équipe de la ministre MoDem Jacqueline Gourault. Avec Rebecca Peres, l’ex-collaboratrice de Bernard Cazeneuve, il sera l’interlocuteur des députés et ses sénateurs.

« Dupont et Dupond »

C’est Philippe Grangeon, le conseiller spécial de l’Elysée, qui est à l’origine de cette réorganisation de la cellule politique. Lorsqu’il rejoint l’Elysée fin janvier, celle-ci a été quasi désertée : après le départ de Stéphane Séjourné qui a pris la direction de la campagne pour les européennes, la conseillère parlementaire Rebecca Peres est désormais seule titulaire du poste. L’ancien syndicaliste, issu de la gauche, identifie alors assez rapidement les besoins.

« Quand Philippe Grangeon, ou Stéphane Séjourné avant lui parle à un élu, à la fin, cela ne fait aucun doute, ils sont de gauche, c’est comme ça. Il fallait donc quelqu’un qui ait une connaissance intime de la droite modérée pour incarner cet élargissement à droite et au centre », explique-t-on à l’Elysée. Mais attention, prévient-on encore, « Jérôme Peyrat n’est pas là pour être l’interlocuteur de la droite et Maxence Barré celui de la gauche. L’élargissement macronien, c’est une culture du dépassement des clivages traditionnels. Peyrat et Barré, ce devra être Dupont et Dupond. Ils seront totalement interchangeables. »

La crise des « gilets jaunes » a aussi mis en évidence un autre manque du dispositif macronien : l’absence d’élus dans l’équipe. Finalement Emmanuel Macron doit se rendre à l’évidence. Même quand on fait de la politique autrement et qu’on est le chantre du « en même temps », il est difficile de s’abstraire des réalités du terrain et des élus. « C’est bien qu’il y ait des gens à l’Elysée qui s’occupent un peu de politique », commente un ministre.