LA LISTE DE LA MATINALE

Une forme de morbidité arrive en salles cette semaine, entre le film de zombies tout en élégance de Jim Jarmusch et une baroque histoire d’horreur dans la cordillère des Andes… Heureusement que les fines constructions affectives de Ryusuke Hamaguchi, et l’amusant compte rendu d’un tournage en Provence, tempèrent le programme.

« The Dead Don’t Die » : l’apocalypse pop de Jim Jarmusch

The Dead Don’t Die - Bande-annonce VOST [Au cinéma le 14 mai]
Durée : 02:04

Jim Jarmusch conte la fin de l’espèce humaine, submergée par une vague des morts-vivants, réveillés par une nouvelle catastrophe écologique. L’humanité a laissé pratiquer le « fracking polaire » – la fracturation du sous-sol pour en extraire les ressources –, désaxant la planète, remplaçant le jour par la nuit et réveillant les morts. Mais l’apocalypse selon Jim Jarmusch est cool, aussi cool que l’interprète du dernier défenseur de l’humanité, Bill Murray, chef de la police de la petite ville de Centerville. Lorsque les zombies surgissent de leurs tombes (le premier a les traits d’Iggy Pop), ils sont à la fois nonchalants et méthodiques, attachés à l’une de leurs manies terrestres (téléphone portable, musique…) et résolus à dévorer tous les vivants qu’ils croisent. Ce détachement fait d’ironie, d’élégance et d’esprit du moment est une constante de l’œuvre de Jarmusch. The Dead Don’t Die est à la fois un râle d’agonisant et une bonne blague, accompagnée de clins d’œil par le plaisantin. Thomas Sotinel

Film américain de Jim Jarmusch. Avec Bill Murray, Adam Driver, Chloë Sevigny, Tilda Swinton, Tom Waits (1 h 44).

« Meurs, monstre, meurs » : un film d’horreur qui interroge la bête enfouie en nous

MEURS, MONSTRE, MEURS Bande Annonce (2019) Thriller, Fantastique
Durée : 01:48

Le corps décapité d’une femme est retrouvé dans une région reculée de la cordillère des Andes. Chargé de l’enquête, l’officier de police Cruz (Victor Lopez) trouve vite son principal suspect en la personne de David (Esteban Bigliardi), mari de la victime. Lequel, sujet à des hallucinations, est envoyé en hôpital psychiatrique. Deuxième long-métrage du réalisateur argentin Alejandro Fadel, Meurs, monstre, meurs met en scène la folie, dans un joyeux désordre baroque où l’horreur prédomine. Un film qui donne à voir la bête tapie au fond de chacun de nous. Véronique Cauhapé

Film franco-argentino-chilien d’Alejandro Fadel. Avec Victor Lopez, Esteban Bigliardi, Tania Casciani (1 h 39).

« Passion » : errances sentimentales de trentenaires tokyoïtes

Passion | Bande Annonce VOST | © 2019 Art House
Durée : 01:16

Cela fait un an qu’on a pu découvrir dans les salles françaises la sensibilité extraordinaire du cinéaste japonais Ryusuke Hamaguchi, né en 1978, grâce aux sorties de ses deux derniers films : Senses, puis Asako I & II. Leur beau parcours a conduit à exhumer le premier long-métrage du cinéaste, Passion, qui remonte à 2008. Projet de fin d’études d’Hamaguchi, alors élève à l’université des arts de Tokyo, Passion appartient à une période où l’allégement et l’expansion du matériel numérique avaient favorisé le passage à l’acte d’une génération de jeunes réalisateurs. Le film ne manquera pas d’être attaqué pour sa précarité et ses tâtonnements techniques, typiques d’une œuvre de formation (le cinéaste n’était alors âgé que de 29 ans). Mais cela ne pèse pas grand-chose au regard de la forte teneur émotionnelle et, déjà, de l’incroyable maturité du film, radiographiant les constructions affectives d’une génération et l’instable constitution des cœurs. Portrait de groupe tissé d’errances sentimentales et d’une profuse matière verbale, Passion semble annoncer Senses sous bien des aspects, sans toutefois être dépourvu d’une vie propre, d’une pulsation singulière. Mathieu Macheret

Film japonais de Ryusuke Hamaguchi. Avec Ryuta Okamoto, Aoba Kawai, Nao Okabe (1 h 55).

« Les Chinois et moi » : chronique drolatique d’un tournage à Marseille

Les Chinois et moi - Bande-annonce VF
Durée : 01:51

Documentaire d’un côté, chronique drolatique de l’autre, le film de Renaud Cohen raconte le tournage à Marseille d’une série chinoise très populaire, Une famille du Wenzhou, pour laquelle il a joué le rôle de producteur exécutif. L’étape française de la série met en scène la rivalité entre le jeune héros chinois étudiant d’une école de commerce, et un autre jeune homme, qui va se régler par une course de voitures. Le tout avec, en fond, quelques petits artisans marseillais pour la figuration, le vieux port, un comte et une comtesse collectionneurs d’art en leur château-musée. La discrète drôlerie du film tient au fait qu’il nous fait découvrir, en même temps que cette intrigue, l’envers du décor : les problèmes de communication entre l’équipe de tournage (stakhanoviste) et la population locale (provençale), l’impréparation légendaire de la production chinoise et les méthodes spéciales du réalisateur chinois pour recruter les comédiens. En un mot comme en cent, on rit pas mal à la vision de cette chronique de tournage où personne ne se comprend vraiment sur le plateau, et qui s’amuse avec douceur du grand écart culturel qui sépare les groupes en présence. Jacques Mandelbaum

Documentaire français de Renaud Cohen (1 h 10).

Michel Deville, expérimentateur infatigable, à la Cinémathèque française

Il est né quatre mois après Godard, dix mois avant Truffaut. Il a beau avoir réalisé La Petite Bande, Michel Deville n’a jamais pris la vague, préférant louvoyer, remonter le courant, décider de son cours à lui, en vingt-neuf longs-métrages. Le cinéaste, aujourd’hui âgé de 88 ans, a pris sa retraite après la sortie d’Un fil à la patte, adaptation de la pièce de Feydeau, en 2005. Pour la première fois, la Cinémathèque française lui consacre une rétrospective, histoire de prendre la mesure de cet expérimentateur infatigable qui refuse les systèmes, de cet amateur de romans noirs qui puisait sans relâche dans le répertoire classique pour mettre ses films en musique. Thomas Sotinel

Rétrospective Michel Deville, à la Cinémathèque française, Paris 12e. Jusqu’au 26 mai. Cinematheque.fr