L’épidémie du virus Ebola a été déclarée le 1er août 2018 dans certaines zones de la République démocratique du Congo, comme ici à Beni. / AL-HADJI KUDRA MALIRO / AP

Plus de 1 100 morts, de nombreuses attaques contre des centres de traitement, des « acteurs politiques qui instrumentalisent la maladie »… La République démocratie du Congo (RDC) est touchée depuis le mois d’août par une épidémie du virus Ebola. La deuxième plus grave après celle qui avait touché l’Afrique de l’Ouest en 2014.

Pour le moment, les autorités congolaises et les organisation non gouvernementales (ONG) ne parviennent pas à freiner l’épidémie à cause notamment de la présence de groupes armés et des résistances d’une partie de la population. Ce qui rend compliqué les opérations sanitaires pour tenter d’endiguer le virus.

Un centre de traitement a ainsi de nouveau été attaqué dans la nuit de dimanche 12 à lundi 13 mai à Katwa, dans l’est du pays. L’Organisation des Nations unies (ONU) regrette d’ailleurs le « délire total » des rumeurs qui sont propagées en RDC sur le virus Ebola. Le point sur la situation.

  • En RDC, l’épidémie fait plus de 1 100 morts

Déclarée il y a neuf mois dans l’est du pays, l’épidémie de fièvre hémorragique Ebola a tué plus de 1 000 personnes, selon les autorités du pays, qui ont communiqué un bilan en début de semaine : « Depuis le début de l’épidémie, le cumul des cas est de 1 680, dont 1 592 confirmés et 88 probables. Au total, il y a eu 1 117 décès (1 029 confirmés et 88 probables) et 450 personnes guéries. » Le virus Ebola a également coûté la vie à 34 agents de santé.

Cette épidémie est d’ores et déjà la deuxième plus grave après celle qui avait touché l’Afrique de l’Ouest en 2014 qui avait fait plus de 11 000 morts en Guinée, Sierra Leone et au Liberia principalement.

Si plus de 111 000 personnes ont déjà été vaccinées, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a demandé au début de mai une importante augmentation de la campagne de vaccination sur place. Le groupe des experts de l’OMS a recommandé « de développer la population éligible pour la vaccination ». Les experts souhaitent que le vaccin soit transmis aux contacts des malades mais aussi aux habitants du voisinage et aux villages où des cas ont été signalés au cours des derniers vingt et un jours.

Mais comme le mentionne l’OMS dans son texte, les autorités sanitaires font face à des attaques régulières dans les centres de traitement.

« Le nombre de nouveaux cas [d’Ebola] continue à augmenter, en partie à cause d’incidents violents répétés qui affectent la capacité des équipes pour identifier et créer des centres de vaccination pour toutes les personnes qui risquent de contracter Ebola. »
  • Des centres de traitement attaqués

Plus de 1 100 personnes sont mortes du virus Ebola. / BAZ RATNER / REUTERS

L’attaque dans la nuit de dimanche à lundi d’un centre de traitement d’Ebola (CTE), à Katwa dans l’est de la RDC – au cours de laquelle un assaillant a été tué –, est la dernière d’une longue liste. « Les forces de sécurité ont empêché ces assaillants de franchir un périmètre de 40 mètres autour du CTE, épargnant ainsi les malades et les installations du CTE », a précisé Sylvain Kanyamanda, maire de Butembo (Nord-Kivu).

Parmi les autres attaques ces dernières semaines :

  • fin de février-début mars, les centres de traitement d’Ebola ont été attaqués à Butembo et dans la localité voisine de Katwa, déjà ;
  • le 19 avril, un médecin camerounais de l’OMS a été tué à Butembo par des hommes armés alors qu’il dirigeait une réunion d’une équipe anti-Ebola.
  • dans la nuit du 7 au 8 mai, un agent congolais de l’équipe de riposte contre Ebola a été assassiné à Vuhovi, qui est située dans la province du Nord-Kivu. Dans cette zone, un infirmier avait été enlevé puis tué par des forces armées.

Le 8 mai toujours, des hommes armés ont lancé des attaques dans la ville de Butembo faisant une dizaine de morts, assaillants et forces de sécurité confondus. Ces violences ont de nouveau perturbé les activités sanitaires dans cette ville considérée aujourd’hui comme le principal foyer de l’épidémie.

Depuis le début du mois de mai, « c’est la cinquième journée consécutive durant laquelle les équipes de riposte ne sont pas en mesure de réaliser toutes les activités » nécessaires à Butembo, telles que la recherche active des cas dans la communauté, la vaccination et les enterrements sécurisés, a regretté le ministère de la santé.

  • L’ONU dénonce le « délire total » des rumeurs 

Outre ces attaques, les autorités sanitaires sont également confrontées à la méfiance de la population : déni de la maladie, refus de la prévention, des soins… La chef de la Mission de l’ONU au Congo (Monusco), Leïla Zerrougui, a qualifié le 10 mai « cette histoire de délire total » qui consiste à dire « qu’il n’y a pas de maladie, qu’on veut nous empoisonner par ce qu’on est en train de gagner de l’argent sur nous ».

« Nous sommes ici pour travailler avec les autorités, mais nous sommes aussi ici pour dire aux populations que c’est vraiment incroyable qu’on puisse s’attaquer à celui qui vient vous soigner », a ajouté la responsable onusienne en déplacement à Butembo. De son côté l’OMS a dénoncé la « manipulation politique » de responsables locaux, visant à créer un sentiment d’hostilité contre le personnel luttant contre le virus.

Un reproche formulé également par le ministre de la santé congolais, le docteur Oly Ilunga :

« A Butembo, nous étions optimistes après avoir conféré avec le patronat, la jeunesse, etc. Mais, les acteurs politiques, qui ont instrumentalisé la maladie, ont contribué à la désinformation de la population qui paie le prix fort. »

A la fin de décembre 2018, Ebola a servi de prétexte à la Commission électorale nationale indépendante (CÉNI) pour annuler l’élection présidentielle dans la région de Beni-Butembo. Cette décision avait provoqué la colère des électeurs. « Suite à l’annonce de la CÉNI, 32 centres de santé ont été attaqués dans la ville de Beni », avait témoigné une responsable des urgences de Médecins sans frontières (MSF) au Monde. Alors, « en plus de la lutte au quotidien contre le virus », l’ONG a dû faire face à cet enjeu électoral et « dépolitiser Ebola », ajoutait-elle.

Dans cette région, la population se méfie des autorités, qui n’ont pas su mettre fin aux massacres de civils attribués aux miliciens ougandais des ADF (Forces démocratiques alliées). « La riposte dans sa conception et dans son pilotage ne tient pas compte de cette méfiance grandissante des populations », déclare à l’Agence France-Presse le professeur Godefroid Ka Mana, chercheur à Pole Institute, spécialisé des questions de paix dans la région des Grands Lacs.

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