Des habitants de Sanaa, capitale du Yémen, après une frappe aérienne menée par une coalition saoudienne, le 16 mai 2019. / Hani Mohammed / AP

La coalition menée par l’Arabie saoudite a effectué, jeudi 16 mai, une série de raids aériens sur la capitale yéménite, Sanaa, quarante-huit heures après des attaques de drone sur un oléoduc pétrolier saoudien revendiquées par les rebelles houthistes au Yémen voisin.

Les houthistes, qui contrôlent Sanaa, sont combattus depuis 2015 par une coalition militaire dominée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Cette coalition avait promis mercredi soir de riposter « avec force » aux attaques des rebelles pro-iraniens du Yémen, au lendemain d’attaques de drone dans la région de Riyad qui avaient endommagé deux stations de pompage d’un oléoduc et nécessité l’interruption des opérations sur cette installation-clé.

Le géant pétrolier saoudien Aramco a annoncé jeudi soir la reprise des opérations sur cet oléoduc qui traverse le pays d’est en ouest et peut transporter cinq millions de barils de brut par jour.

Ces « actes terroristes » ont été « ordonnés par le régime à Téhéran et menés par les houthistes », a déclaré jeudi dans un tweet le prince Khaled Ben Salman, fils du roi saoudien et vice-ministre de la défense. De son côté, Adel Al-Joubeir, ministre d’Etat aux affaires étrangères saoudien, a déclaré que les houthistes agissaient sur ordre des gardiens de la révolution iraniens.

Dans un communiqué, la coalition sous commandement saoudien a affirmé avoir mené jeudi des opérations aériennes sur des « cibles militaires légitimes, y compris des bases, des installations militaires et des dépôts d’armes et de munitions des miliciens terroristes houthistes », notamment à Sanaa.

« De nombreuses frappes »

La chaîne de télévision Al-Massirah, contrôlée par les rebelles, a fait état de dix-neuf raids au total dans la région de Sanaa, dont onze sur la capitale. Elle a attribué les frappes aux « avions de l’agression » saoudienne.

Selon un médecin, au moins six personnes ont été tuées et dix autres blessées dans l’un de ces raids. Six corps sont arrivés à l’Hôpital républicain de Sanaa ainsi que dix blessés, a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) ce médecin, Mokhtar Mohammed, ajoutant que toutes ces victimes avaient été dénombrées dans un même quartier de la capitale.

Sur Twitter, Médecins sans frontières fait état d’au moins quatre morts et quarante-huit blessés. Une vidéaste de l’AFP a filmé des hommes au milieu de décombres, transportant un corps enroulé dans une couverture vers une ambulance.

Les raids ont commencé vers 8 heures (7 heures à Paris), alors que de nombreux habitants dormaient encore, a affirmé un autre témoin à l’AFP. « Il y a eu de nombreuses frappes », a-t-il rapporté.

Montée des tensions

Ces frappes aériennes sur Sanaa s’inscrivent dans un contexte de montée des tensions dans le Golfe où, en plus de l’oléoduc, quatre navires – deux saoudiens, un norvégien et un émirati – ont été la cible de mystérieux « actes de sabotage » dimanche au large des Emirats arabes unis.

Mercredi soir, le ministre d’Etat aux affaires étrangères émirati, Anwar Gargash, avait averti que la coalition anti-rebelles « riposterait avec force » à toute attaque des houthistes contre des cibles civiles, comme celle ayant visé les installations pétrolières saoudiennes. M. Gargash a évité de désigner des responsables, prônant « la prudence » et la « désescalade » dans le Golfe, mais il a évoqué « une situation difficile en raison du comportement iranien ». Au Koweït, le président de l’Assemblée nationale, Marzouk Al-Ghanem, a déclaré jeudi que les risques d’un conflit dans la région étaient « élevés ».

La guerre au Yémen oppose depuis plus de quatre ans des forces progouvernementales, appuyées militairement par Riyad et Abou Dhabi, aux rebelles houthistes, qui contrôlent de vastes zones de l’ouest et du nord du Yémen, dont la capitale Sanaa. Les houthistes sont soutenus par l’Iran, qui réfute toutefois leur fournir une aide militaire.

Le conflit a tué des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires. Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’assistance, d’après l’Organisaiton des Nations unies (ONU).

Des millions de personnes menacées par la famine

Mercredi, l’envoyé spécial de l’ONU au Yémen, Martin Griffiths, a averti le Conseil de sécurité de l’ONU qu’en dépit d’un désengagement rebelle ces derniers jours de trois ports, dont Hodeïda (ouest), le Yémen risquait toujours de sombrer dans une guerre totale. Le gouvernement yéménite et les houthistes doivent poursuivre le redéploiement des forces dans l’Ouest et retourner à la table des négociations pour un accord plus large, a-t-il déclaré.

Selon des témoins, des affrontements entre rebelles et forces loyalistes ont éclaté mercredi au sud de la ville de Hodeïda, où une trêve relative est en vigueur depuis des pourparlers interyéménites en décembre organisés sous l’égide de l’ONU en Suède. Trois femmes ont été tuées dans ces heurts, a indiqué jeudi à l’AFP un médecin de l’hôpital Al-Thawra.

Le port de Hodeïda est crucial pour les importations et l’aide internationale au Yémen, où des millions de personnes restent menacées par la famine.

Guerre au Yémen : pourquoi le pays est en train de disparaître
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