Jean-Michel Blanquer (à gauche), le 12 février à l’Assemblée nationale. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Beaucoup de bruit pour rien ? C’est ce que l’on pourrait penser, à l’issue des débats qui se sont tenus vendredi 17 mai, au Sénat, sur les « établissements publics des savoirs fondamentaux ». Les sénateurs ont en effet maintenu la suppression de l’article 6 quater, créant des établissements réunissant un collège et une ou plusieurs écoles. Il avait été adopté par l’Assemblée, le 19 février, sur un amendement de la députée LRM Cécile Rilhac.

La commission sénatoriale avait décidé de supprimer l’amendement de Mme Rilhac, dans le but affiché de proposer sa réécriture en séance publique. Une manière de montrer que le Sénat avait « entendu » les inquiétudes de la communauté éducative et des élus sur ce sujet, avait alors précisé Max Brisson (LR), rapporteur de la loi. Mais c’est une autre partition qui s’est jouée dans l’hémicycle au moment d’étudier l’amendement de réécriture, déposé par Jacques Grosperrin (LR), qui rebaptisait le projet « établissements publics locaux du socle commun » : après de nombreuses interventions critiques des sénateurs, de droite comme de gauche, et un avis de « sagesse » du ministre de l’éducation nationale, le sénateur a finalement retiré son amendement. Les regroupements école-collège ne verront pas le jour, en tout cas pas dans le cadre de la loi Blanquer « pour une école de la confiance ».

Un amendement polémique

Pourquoi ce projet a-t-il fait débat au point de se solder par un retrait pur et simple du texte de loi ? Dans la version de l’Assemblée, les « établissements publics des savoirs fondamentaux » devaient regrouper, sous une même entité administrative, un collège et une ou plusieurs écoles du même bassin de vie, sur la base d’une convention entre la commune (qui gère l’école) et le département (qui gère le collège). Le texte initial prévoyait que le ou les directeurs d’école deviennent des adjoints du principal. Les établissements regroupés pouvaient – ou non – être rassemblés physiquement sur le même site.

Pensés pour les zones rurales, ces regroupements ont très vite inquiété la communauté éducative, les syndicats et certains élus. Le SNUipp, syndicat majoritaire dans le premier degré, a plaidé pour le maintien d’une « spécificité » de l’école élémentaire, et pour une meilleure prise en compte de l’avis des enseignants dans de tels projets. Les syndicats d’enseignants ont regretté l’absence de concertation sur ce projet ajouté au texte de loi par le biais d’un amendement et sans consultation préalable ni avis du Conseil d’Etat. Ils y ont vu une manière d’économiser les postes et les locaux, bref, un « cheval de Troie » pour une autre gouvernance du système éducatif, notamment dans les territoires ruraux où se trouvent les petites écoles – elles sont 45 000 sur le territoire à compter moins de quatre classes.

L’amendement Grosperrin prévoyait de résoudre un certain nombre d’inquiétudes – il indiquait, notamment, que les regroupements devaient se faire sur la base du volontariat et avec l’accord de toutes les parties, y compris le conseil d’administration du collège et le conseil d’école. Il prévoyait également que tout déplacement physique d’une classe ou d’une école ne pourrait se faire sans l’accord de toutes les parties. L’inquiétude sur la place des directeurs d’écoles devait être, de l’avis de la majorité sénatoriale, résorbée par le maintien, d’un autre amendement de la commission qui prévoit un « statut hiérarchique » pour les directeurs d’école.

Craintes pour les écoles rurales

Néanmoins, les sénateurs ont longuement exprimé leurs inquiétudes, craignant que les regroupements ne contribuent à multiplier les fermetures d’écoles rurales. « C’est l’une des douleurs de ce gouvernement que de devoir assumer des angoisses dont les racines sont antérieures aux deux années écoulées, a commenté Jean-Michel Blanquer. C’est le cas pour les écoles rurales, qui sont moins nombreuses à fermer que sous le quinquennat précédent. »

Le ministre a longuement regretté les polémiques sur ce sujet, dont il a rappelé qu’il n’était « ni un calcul politique, ni un calcul économique », avant de déposer un avis de sagesse sur cet amendement. « On ne peut pas ne pas entendre (…) la tonalité du soupçon qui s’est exprimée de manière particulièrement forte sur ces enjeux », a-t-il argué. « Nous avons encore besoin de discussion et de temps. (…) Ce n’est pas un sujet des prochains jours dans le cadre de cette loi, mais des prochains mois, pour avoir la plus vaste concertation possible avec les associations d’élus et avec les syndicats. »

La loi « Pour une école de la confiance », dont l’examen devrait se prolonger jusqu’au soir du 17 mai, fera l’objet d’un vote solennel le 21 mai, avant d’être présentée à une commission mixte paritaire, à une date encore inconnue.