Angela Merkel et Emmanuel Macron, à Sibiu, en Roumanie, le 9 mai. / Olivier Hoslet / AP

Editorial du « Monde ». Comme avec Donald Trump, Emmanuel Macron s’est jeté tout feu tout flamme, au début de son mandat, dans sa relation avec Angela Merkel. Et, comme avec le président américain, la réalité est venue doucher son enthousiasme. La chancelière allemande l’avait pourtant averti, il y a deux ans, à l’époque où elle était encore admirative : « Le charme ne dure que s’il y a des résultats. »

Il serait injuste de dire que les résultats sont absents, mais le charme est à l’évidence rompu. Depuis que le président français a fait ouvertement état, dans sa conférence de presse du 25 avril, de divergences avec la chancelière, les deux dirigeants se répondent par médias interposés sur l’état de leur relation. Mercredi 15 mai, c’est Mme Merkel qui a évoqué, dans un entretien au quotidien Süddeutsche Zeitung, des « différences de mentalité » entre elle et M. Macron et la vivacité de leurs discussions. M. Macron a réagi en privilégiant la « confrontation féconde » par rapport à la « confrontation stérile ».

Franchise

Qu’il y ait des différences de mentalité entre Français et Allemands n’est pas une nouveauté, pas plus que les divergences entre leurs dirigeants – Mme Merkel, qui en est à son quatrième président français, le souligne elle-même. Il est inévitable que les intérêts des deux pays et de leurs leaders divergent : actuellement, ces désaccords portent notamment sur le degré d’intégration de la zone euro, sur la politique d’exportation des armements, sur le mode de désignation du président de la Commission européenne.

M. Macron et Mme Merkel prennent aussi soin de rappeler leurs points de convergence : « Nous sommes largement sur la même longueur d’onde », précise la chancelière, sur les grands objectifs du climat, de la défense, de l’Europe, de l’Afrique et de politique transatlantique.

Ce qui est plus nouveau, c’est la franchise avec laquelle les deux dirigeants commentent leur relation. Cette honnêteté est, bien sûr, empreinte de déception de la part de M. Macron et de crispation de la part de Mme Merkel. Le premier a dû admettre qu’il avait eu tort de miser autant au départ, dans son ambition de relancer l’Europe, sur le partenariat avec Berlin : engluée dans ses négociations de coalition gouvernementale, l’Allemagne n’a pas été au rendez-vous – Mme Merkel le reconnaît, et de nombreux responsables politiques et économiques de son propre pays le lui reprochent.

La chancelière, de son côté, forte de sa longue expérience et du poids de son économie, supporte mal de se voir donner des leçons par un jeune chef d’Etat en butte à une grave crise sociale. La perspective du Brexit et la proximité des élections au Parlement européen, où leurs partis ne jouent pas dans le même camp, exacerbent les tensions.

Mais sans doute est-il sain, après tout, dans une relation aussi étroite, d’identifier avec lucidité les points de friction plutôt que de prétendre qu’ils n’existent pas. L’essentiel porte alors sur la manière de les gérer : c’est le fameux compromis que Berlin et Paris doivent en permanence rechercher. Il est particulièrement délicat à trouver entre un président qui voudrait tout changer et une chancelière qui ne voudrait rien changer. Mais il reste crucial pour stabiliser une Union européenne en pleine tempête. C’est une immense responsabilité. Elle incombe, en premier lieu, à Mme Merkel et à M. Macron. A eux de se remettre, ensemble, à l’ouvrage, dès la fin mai.