L’hôpital Sébastopol de Reims. / BENOIT TESSIER / REUTERS

L’affaire Vincent Lambert, dont les traitements ont été interrompus lundi 20 mai, agite le débat national jusqu’à l’Elysée. Alors que plusieurs responsables politiques ont pris position lundi sur le sujet et appelé pour certains le président de la République à s’exprimer, Emmanuel Macron a publié sur Facebook un message dans lequel il estime ne pas avoir à s’« immiscer » dans la décision sur l’arrêt des soins de cet ancien infirmier tétraplégique, dans un état végétatif depuis 2008.

« Comme citoyen, j’ai suivi son accident en 2008, et sa situation depuis plus de dix ans. Comme homme, comme tous les Français, je me suis interrogé pour moi, pour mes proches. (…) Aujourd’hui, comme président de la République, il ne m’appartient pas de suspendre une décision qui relève de l’appréciation de ses médecins et qui est en conformité avec nos lois. »

Les soins prodigués à Vincent Lambert, victime d’un accident de la route en 2008, ont été interrompus lundi, alors que l’homme de 42 ans est l’objet d’une bataille judiciaire et familiale depuis plusieurs années. Les parents, fervents catholiques, un frère et une sœur s’opposent à l’arrêt des traitements ; son épouse Rachel, son neveu François et cinq frères et sœurs veulent mettent fin à cet « acharnement thérapeutique ».

De nouveaux recours des parents

Les parents de Vincent Lambert ont annoncé dimanche qu’ils allaient déposer de nouveaux recours. Lundi après-midi, ils ont ainsi saisi en urgence la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui a peu après rejeté leur requête. Les avocats des parents ont également à nouveau saisi le Conseil d’Etat et annoncé une « audience en urgence » devant la cour d’appel de Paris, à la suite d’une décision du TGI de Paris vendredi.

Une autre action est envisagée devant le tribunal correctionnel de Reims à l’encontre du docteur Vincent Sanchez, qui a signé en avril 2018 la demande de fin des traitements et dont ils réclament la radiation.

Une vidéo du patient a été diffusée lundi sur le site de Valeurs actuelles, présentée comme datant de dimanche, où la mère est au chevet de son fils. Les avocats de Rachel Lambert comptent déposer plainte pour atteinte à la vie privée. Cette diffusion « n’est pas respectueuse pour la personne de Vincent », a réagi son neveu François Lambert, favorable à l’arrêt des traitements, qui se dit « assez serein, impatient que ça se termine ».

Bellamy : « Aucune vie indigne d’être vécue »

Après la Conférence des évêques de France, le pape François a également pris position. « Prions pour ceux qui vivent dans un état de grave handicap. Protégeons toujours la vie, don de Dieu, du début à la fin naturelle. Ne cédons pas à la culture du déchet », a-t-il écrit lundi sur Twitter en différentes langues, sans citer nommément Vincent Lambert.

L’affaire a aussi pris une tournure politique tout au long de la journée de lundi. Alors que toutes les personnalités politiques interrogées ont fait état de la complexité de l’affaire, un « drame », leurs positionnements sur le sujet exacerbent le clivage gauche-droite.

La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a dénoncé « une décision de justice qui condamne en réalité à la mort (…), alors même qu’on n’est pas dans le cas d’un acharnement thérapeutique ». Elle a appelé le président Macron à s’exprimer. « Il n’y a aucune vie indigne d’être vécue », a déclaré de son côté la tête de liste Les Républicains (LR) aux élections européennes, François-Xavier Bellamy, en considérant également qu’Emmanuel Macron devait « donner son sentiment » sur le sujet.

Macron : « Le combat pour la vie, le respect de la mort »

Tout en estimant qu’il n’avait pas à intervenir, Emmanuel Macron a souligné être « profondément touché » par la situation de Vincent Lambert et plaidé pour « le respect de la dignité de toute vie humaine ».

« C’est (…) parce qu’il n’y a pas, dans notre pays, de place pour l’arbitraire, que je n’ai pas à m’immiscer dans la décision de soin et de droit qui a été prise dans le cas de Vincent Lambert. Juste à réaffirmer les principes fondamentaux qui tiennent notre nation et prévalent sur toute autre considération : le combat pour la vie, le respect de la mort, la protection de chacun. »

La procédure d’arrêt des soins est permise par la loi Claeys-Leonetti de 2016 qui, tout en interdisant l’euthanasie et le suicide assisté, permet la suspension des traitements lorsqu’ils « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».

Glucksmann : « Faire confiance aux médecins et à la justice »

« Je pense qu’il faut faire confiance aux médecins, il faut faire confiance à la justice de notre pays, il faut faire confiance aux institutions européennes, donc arrêter le traitement », a déclaré Raphaël Glucksmann, tête de liste Parti socialiste-Place publique. La tête de liste de La France insoumise, Manon Aubry, s’est aussi rangée derrière les décisions de justice.

« Au-delà du cas de Vincent Lambert, il faudrait qu’on puisse se pencher sobrement et sérieusement sur la fin de vie », a de son côté estimé Benoît Hamon, qui s’est dit favorable au « suicide assisté ». La tête de liste d’Europe Ecologie-Les Verts, Yannick Jadot, a, lui, renvoyé à la loi belge, qui prévoit que la décision revient au conjoint puis aux enfants adultes s’il y en a et enfin aux parents, en cas d’absence de directives anticipées.