A partir de lundi 20 mai, chaque paquet de cigarettes produit à destination du marché français, comme dans le reste de l’Europe, portera un étiquetage unique. L’objectif est d’assurer leur traçabilité et de mieux combattre les trafics.

Cet identifiant unique résulte de l’application d’une directive européenne de 2014 visant à améliorer la lutte contre la contrebande de tabac. Il est constitué d’une série de codes, auxquels s’ajoutera une vignette, similaire à un timbre fiscal, comportant cinq signes d’identification – un visible, trois semi-visibles et un invisible, uniquement détectable en laboratoire –, semblables à ceux des billets de banque.

L’identifiant unique doit permettre d’assurer une réelle traçabilité du paquet, de son lieu de production ou d’importation jusqu’à son point de vente au détail, tandis que la vignette sécurisée garantira l’authenticité du produit.

Sur le marché dans deux mois

L’Etat a choisi l’Imprimerie nationale − en raison de son impartialité vis-à-vis de l’industrie du tabac, imposée par le protocole de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) − pour générer les codes permettant d’identifier les produits. « Mais ces paquets n’arriveront sur le marché que dans environ deux mois », l’Etat ayant « pris beaucoup de retard » dans l’application de la directive européenne de lutte contre la contrebande de tabac, explique un cigarettier.

Ce nouvel étiquetage, à la charge financière des fabricants de tabac, doit permettre de mieux combattre le commerce parallèle, qui représenterait 10 % du marché mondial mais demeure difficile à évaluer. Les « estimations de l’industrie du tabac pour mesurer le marché illicite dans leur pays » sont « souvent peu fiables et alarmistes », d’après l’OMS. Ce trafic serait, selon des sources du secteur, composé à 98 % ou 99 % de cigarettes fabriquées dans les usines des cigarettiers. Selon l’OMS, la Chine, le Paraguay, la Russie, les Emirats arabes unis, l’Ukraine, le Bélarus, la Moldavie, le Kenya et le Zimbabwe sont les principaux pourvoyeurs de cigarettes illicites.

Les « premiers responsables du commerce parallèle sont les cigarettiers qui revendent directement à la sortie des usines de grandes quantités de tabac à des intermédiaires, lesquels ramènent ensuite ce tabac par camions ou bateaux dans les pays où le tabac est cher, ou surapprovisionnent des pays comme Andorre ou le Luxembourg où la fiscalité est faible et les paquets peu chers », relevait récemment Michèle Rivasi, eurodéputée sortante et numéro deux sur la liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pour les élections européennes.

« Pas la panacée »

Ce commerce illicite « constitue une grave menace pour la santé publique » en augmentant l’accès à des produits moins chers, « alimentant l’épidémie de tabagisme et sapant les politiques de lutte antitabac », estime l’OMS. Il entraîne des « pertes de revenus importantes » pour les gouvernements – parfois estimées à 3 milliards d’euros pour la France – et contribuant à financer des « activités criminelles et le terrorisme ».

« Cette nouvelle traçabilité marque un progrès mais il ne faudrait pas la présenter comme la panacée, car c’est une usine à gaz et l’indépendance vis-à-vis des cigarettiers n’est pas assurée, souligne Emmanuelle Beguinot, directrice du Comité national de lutte contre le tabagisme. Nous voulons sa mise en conformité avec le protocole de l’OMS. »

Entré en vigueur en septembre 2018 après avoir été ratifié par quarante pays, le protocole international de lutte contre la contrebande du tabac de l’OMS a été entériné après « un lobbying majeur des cigarettiers », selon Mme Beguinot.

Il comprend des mesures de contrôle de la chaîne logistique, de détection et de répression, et la constitution d’une base juridique pour la coopération judiciaire internationale. Il prévoit aussi des échanges d’informations sur les délits liés à ce commerce illicite entre services des douanes et de la police. Les pays l’ayant ratifié doivent instaurer un régime mondial de suivi et de traçabilité dans les cinq ans.

Xavier Iacovelli, sénateur socialiste des Hauts-de-Seine, a saisi la justice européenne, déplorant que « la solution préconisée par l’Union européenne confie plusieurs missions aux fabricants de tabac et à ses partenaires historiques », comme le stockage des bases de données.