Le Maroc célèbre sa victoire (5 à 2) contre l’équipe réunissant les deux Congo, le 11 mai 2019, au stade Jean-Moulin d’Evry. / YASSER ADREES

Ce dimanche soir 19 mai, c’est le Congo contre le reste du monde. Dans le parking des Aunettes, dans la zone industrielle d’Evry (Essonne), une quinzaine de joueurs attendent, crampons aux pieds. La semaine précédente, un millier de spectateurs les avaient applaudis, au stade Jean-Moulin, à deux pas de là.

Pas étonnant que la foule se presse car, ici, se joue la Coupe africaine des nations ! C’est Moussa, le président de l’équipe du Mali, qui a eu l’idée d’organiser une CAN dans sa banlieue parisienne. Une version revue et corrigée de la compétition officielle qui se déroulera en Egypte du 21 juin au 19 juillet et réunira le continent africain. Emballés par l’idée de leurs joueurs et heureux de pouvoir sortir des tournois traditionnels, les quartiers des Epinettes et des Aunettes à Evry ont donc lancé leur CAN Epinetzo (contraction de Epinettes et Aunettes en verlan). Avec une équipe pour (presque) chaque pays africain représenté dans la banlieue. Ceux qui n’atteignaient pas les neuf joueurs réglementaires, comme les Comores ou le Togo, rejoignant l’équipe du reste du monde.

Prestigieux soutiens

Ce qui n’était au début qu’un simple tournoi entre amis s’est transformé en buzz médiatique. Quand les premiers matchs ont eu lieu, du 4 au 6 mai, « il n’y avait pas grand monde », raconte Hakim, l’un des organisateurs. C’est à ce moment-là que Niska, le rappeur originaire d’Evry, a raconté l’initiative sur son compte Snapchat. Un coup de pouce relayé par le footballeur marocain Mehdi Benatia, originaire lui aussi d’Evry.

Mais la véritable viralité de l’opération est arrivée lorsque Didier Drogba, star du ballon rond fraîchement retraité, a envoyé à son tour un message de soutien à l’équipe de la Côte d’Ivoire avant le match contre l’Algérie. Puis ça a été le tour de l’attaquant du Real Madrid, Karim Benzema et de Benjamin Mendy, international français d’origine sénégalaise, de relayer l’information sur leurs comptes.

Résultat de ces prestigieux soutiens : plus de mille personnes ont assisté aux matchs sur la pelouse du stade Jean-Moulin avec envahissement de terrain garanti à chaque but, smartphones en main pour capter le moment en vidéo et les partager sur Snapchat pour ce qui est devenu un véritable petit événement régional.

Si le tournoi reste bon enfant, l’esprit de compétition règne sur le stade : on ne rigole pas avec la règle qui veut que les joueurs soient des Epinettes ou des Aunettes. L’ancien joueur professionnel de la véritable sélection algérienne, Hameur Bouazza, seulement originaire d’Evry, a ainsi été « expulsé » de la compétition suite au vote des dix présidents d’équipes.

« Une bande de copains qui joue au foot »

Mohamed, le jovial président de la « fédération algérienne » (car ici chaque équipe a son président), rappelle aussi les valeurs de cette CAN un peu particulière : « Le message que l’on veut porter, c’est la paix, la solidarité. On vit tous dans des quartiers, on a des nationalités différentes, des religions différentes aussi, mais le sport rassemble tout le monde. Quand on voit du racisme dans le foot, ça nous dérange. Ça ne devrait pas exister dans le sport ». Ce tournoi, c’est comme « une bande de copains qui joue au foot », poursuit le dirigeant de l’équipe d’Algérie. Mais pas seulement : l’idée sous-jacente est aussi de montrer « que le quartier est familial » et de changer du même coup l’image traditionnelle de la banlieue.

Comme dans toutes les grandes compétitions internationales, la CAN Espinetzo a droit à son sponsor de maillot, Charo, la marque de vêtement de Niska. Red Bull s’est aussi invité pour distribuer des canettes de boissons énergisantes. La compétition a aussi son hymne, une chanson des artistes Arzok et Zelo, locaux comme toute l’organisation de cette compétition. Un réalisateur du coin, nommé Edwin, qui a par ailleurs travaillé sur le clip Ramenez la coupe à la maison du rappeur Vegedream, est également venu sur place pour tourner un clip.

« Très fiers » d’avoir réussi à organiser un tournoi aussi suivi par « leurs propres moyens » et prêts pour rééditer l’expérience, les joueurs ont été contactés par d’autres quartiers qui organisent leur propre CAN, pour organiser la finale des vainqueurs.