L’homme d’affaires palestinien Ashraf Jabari et l’ambassadeur américain en Israël  David Friedman, en mai 2018 à Jérusalem. Ashraf Jabari, qui pourrait se rendre à la réunion de Bahreïn, s’est dit favorable à l’initiative de Washington. / Matanya Ofir / AP

C’est un premier rendez-vous, qui ne présage en rien de la suite et suscite déjà le scepticisme. L’administration Trump compte présenter à Bahreïn, les 25 et les 26 juin, le volet économique de son plan de paix, en gestation depuis deux ans, qui prétend résoudre le conflit israélo-palestinien. La publication de ce document a déjà été reportée à plusieurs reprises. D’abord seront mis sur la table les incitations, les investissements potentiels dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans les pays voisins, la Jordanie et l’Egypte. Viendra plus tard, peut-être, la partie politique : les réfugiés palestiniens, le statut de Jérusalem, la nature et les limites d’une « Palestine » négociée entre les parties.

Les co-organisateurs, le royaume de Bahreïn et les Etats-Unis, ont publié un communiqué, dimanche 19 mai, pour présenter « l’atelier de travail » de la fin juin. Intitulé « la paix vers la prospérité », il aura lieu à Manama et regroupera des entrepreneurs et des ministres des finances. Les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont confirmé leur présence. La participation d’Israël n’est pas certaine. En rejetant par avance le plan Trump, Mahmoud Abbas offre à l’Etat hébreu un confort diplomatique. Il permet à la droite d’anticiper la suite, en cas d’échec : l’annexion des colonies en Cisjordanie.

Dans le communiqué, les mots « Etat palestinien », « conflit » ou « Israël » ne sont pas employés. Le ministère des affaires étrangères de Bahreïn a dû rappeler, mardi, son attachement à « un Etat [palestinien] indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale ». Le fait même que le royaume accepte d’accueillir cet événement au service de la feuille de route américaine illustre une volonté arabe, de moins en moins discrète, de normaliser les relations avec Israël, au nom d’intérêts communs. Mais les pays du Golfe et l’Egypte ne peuvent pas donner le sentiment de brader ou d’abandonner la cause palestinienne.

« Business plan »

Le 20 mai, le gouvernement palestinien de Mohammed Shtayyeh a confirmé qu’il n’avait été ni consulté ni invité dans la perspective de « l’atelier de travail » de Bahreïn. « La question économique est une conséquence directe de la situation politique, dit un compte rendu du gouvernement. Le peuple palestinien et sa direction ne cherchent pas à améliorer leurs conditions [de vie] et à atteindre la prospérité sous la plus longue occupation de l’histoire moderne. » Parmi les entrepreneurs palestiniens sollicités, Bashar Masri, le promoteur immobilier de la ville nouvelle de Rawabi, a déjà fait savoir qu’il déclinait l’invitation.

Les Etats-Unis prétendent changer l’approche classique du conflit. Plus de condamnation de la colonisation ; reconnaissance unilatérale de Jérusalem en décembre 2017 comme capitale d’Israël ; remise en cause de la définition des réfugiés palestiniens : l’administration Trump retire de la table les questions sensibles, en croyant ainsi les faire disparaître. En échange, les conseillers de Donald Trump – son gendre, Jared Kushner, l’avocat Jason Greenblatt et l’ambassadeur en Israël, David Friedman – comptent proposer une sorte de « business plan » pour les Palestiniens, financé probablement par l’Arabie saoudite et le Qatar. Interrogé sur CNN, le 19 mai, Jared Kushner a prononcé une formule lapidaire, qui trahit ce mépris de l’histoire. « Les gens laissent le conflit de leurs grands-parents détruire l’avenir de leurs enfants », a-t-il déclaré. Le lendemain, sur Twitter, Jason Greenblatt a voulu donner des gages d’équilibre. « Ne croyez pas les rumeurs selon lesquelles le plan est seulement économique. Il ne l’est pas. »