Un bureau de vote mobile à Hednesford, en Angleterre, jeudi 23 mai. / PAUL ELLIS / AFP

De nombreux Européens vivant au Royaume-Uni n’ont pas pu voter aux élections européennes organisées jeudi 23 mai. Arrivant aux bureaux de vote, parfois après avoir vérifié qu’ils étaient bien inscrits sur les listes électorales, au moins plusieurs centaines d’entre eux ont été interdits de vote, à cause de problèmes administratifs.

Thomas Stolper, un Allemand installé de longue date à Londres, était de ceux-là. « J’avais appelé ma mairie lundi pour vérifier que j’étais bien enregistré. On m’avait assuré que tout était en ordre. Mais en arrivant ce matin au bureau de vote, mon nom était barré de la liste. » Ce proeuropéen convaincu, déjà furieux du Brexit, s’est retrouvé avec un sens aigu « d’injustice ». « Je n’avais jamais réalisé à quel point cela faisait mal d’avoir le droit de vote refusé. »

A chaque élection pour le Parlement de Strasbourg, les Européens vivant au Royaume-Uni doivent choisir dans quel pays ils choisissent de voter : celui de leur nationalité ou celui où ils sont installés. D’ordinaire, le processus est organisé des mois à l’avance et les mairies britanniques, qui s’occupent du registre électoral, ont le temps de s’en occuper.

Cette fois-ci, les nombreuses erreurs administratives semblent venir de la précipitation avec lequel le scrutin a été organisé. Jusqu’au dernier moment, la première ministre, Theresa May, espérait faire voter par le Parlement son accord sur le Brexit. Les élections ont finalement été organisées dans l’urgence.

L’erreur du côté de M. Stolper semble venir du formulaire en ligne qu’il a rempli le 1er mai, bien avant la date limite du 7 mai avant laquelle il fallait prévenir sa mairie. « Les instructions y étaient très confuses. Et apparemment, il y avait un deuxième formulaire qu’il fallait également remplir, que je n’ai pas vu. En temps normal, ayant reçu mon premier formulaire, la mairie aurait dû me faire parvenir le second. J’ai pu parler longuement au service électoral par téléphone après avoir été rejeté du bureau de vote et ils ont avoué qu’ils ne l’avaient pas fait. »

« Ce pays est devenu une farce »

Le journal britannique The Guardian, qui a ouvert un appel aux témoignages, a reçu plus de 300 messages. Sur Twitter, des dizaines d’Européens ont fait de même part de leur rejet dans les bureaux de vote, sous le mot clé #DeniedMyVote. C’est le cas de Kat Sellner et Moritz Valero, alors même qu’ils avaient apporté en main propre les documents nécessaires à leur mairie de Tower Hamlets, dans l’est de Londres. Celle-ci avait tardé à traiter leur dossier et avait finalement déclaré que les papiers étaient arrivés trop tard. « C’est l’élection la plus importante pour nous, Européens vivant dans ce pays, parce qu’on n’avait pas eu de voix lors du référendum, s’agace M. Valero. C’était notre chance de dire qu’on ne veut pas de ces partis pour le Brexit, aux idées racistes. »

Suite à leur témoignage publié dans le Guardian, Tower Hamlets a vérifié les images des caméras de surveillance et a reconnu que Mme Sellner s’était rendue dans leurs locaux à temps pour apporter les documents. L’erreur a pu être corrigée et les deux Allemands ont pu voter.

Dans un communiqué, la commission électorale britannique a dit comprendre la « frustration » des citoyens européens interdits de vote mais blâme la précipitation de l’organisation du scrutin. « Le court délai avec lequel le gouvernement britannique a annoncé sa participation à ces élections a eu un impact sur le temps nécessaire à ce que les citoyens soient au courant du processus [administratif à remplir]. » Nicolas Hatton, fondateur de The 3 million, une association représentant les Européens du Royaume-Uni depuis le référendum sur le Brexit, dénonce un « scandale » : « Ce pays est devenu une farce », conclut-il.