Jeudi soir, BFMTV clôturera le défilé des débats en regroupant sur un même plateau les 11 principales têtes de liste, qui s’exprimeront chacune pendant environ quinze minutes, étalées sur 2 h 45 d’émission. En avril 2017, le débat entre les 11 candidats de la présidentielle, animé par Ruth Elkrief, avait rassemblé 5,5 millions de téléspectateurs sur la chaîne. La journaliste revient sur ce « passage obligé » des campagnes électorales, à très fort enjeu d’audience pour les chaînes d’information en continu, et s’exprime sur les enseignements tirés de la crise des « gilets jaunes ».

Qu’apportera le débat de BFM-TV de plus que ceux organisés par France 2 mercredi et LCI lundi ?

Il ne s’agit pas de faire plus ou mieux que les autres, chaque chaîne a son style et son public. Mais les chaînes d’information en continu sont devenues de vrais forums, c’est chez nous que se passe le débat politique maintenant. Jeudi soir, beaucoup d’opinions ne seront pas encore faites et nous proposons simplement une aide au choix, une offre démocratique. Il n’y a pas de gadget, avec Appoline de Malherbe (qui coanimera le débat), nous serons là pour aiguiller, arbitrer sur le temps, laisser vivre un débat lorsqu’il apparaîtra et l’interrompre lorsque le temps manquera.

C’est d’autant plus important que c’est cette semaine, pendant les soirées de débat, que les gens font leur choix. On a rarement vu une élection se jouer autant dans la dernière semaine de campagne. La crise des « gilets jaunes » a tellement impacté la vie politique, tellement occupé le devant de la scène – et à juste titre – qu’elle a éclipsé les enjeux européens, qui sont déjà compliqués à faire émerger.

La conférence de presse d’Emmanuel Macron du 25 avril était censée « clore » l’épisode des « gilets jaunes« , c’était en fait tout juste un mois avant les élections européennes, un mois pendant lequel il y a deux ponts ! La campagne « utile » n’a en réalité commencé que lundi dernier. Elle aura duré deux semaines, on n’a jamais vu ça par rapport à l’importance de cette échéance. Mais il parait que dans les autres pays européens, c’est pareil…

Le premier débat des européennes (le 4 avril sur France 2), avec ses douze candidats, a viré à la cacophonie et laissé un sentiment mitigé…

Un débat, ce n’est pas une interview. Il faut le tenir, avoir une autorité naturelle, avoir l’habitude des gens qui sont devant vous, et eux doivent avoir du respect pour votre parole. Il ne faut pas parler à tort et à travers ni parler à leur place. Il faut qu’ils ressentent qu’il y a l’espace de l’écoute et l’espace de l’ordre. Parfois un silence est plus important qu’une parole. Je suis optimiste sur le fait qu’on évitera la cacophonie. A présent, les candidats sont un peu plus habitués à ce format, c’est à eux de jouer leur carte.

Les débats se heurtent régulièrement à l’absence de vérification des faits en direct, on l’a vu lors du duel Nathalie Loiseau-Jordan Bardella, le 15 mai, c’est souvent « parole contre parole ». Que prévoyez-vous pour éviter cela ?

Nous n’avons pas de module particulier de fact-checking mais on y réfléchit. Il ne s’agit pas de faire comme les autres, mais nous sommes en train d’imaginer comment nous pourrions faire différemment. Néanmoins, nos équipes seront dans nos oreillettes jeudi soir pour nous alerter si on doit rectifier un fait.

Quel bilan tirez-vous de la couverture de BFM-TV de la crise des « gilets jaunes » ?

C’est une crise qui restera dans nos mémoires. Je la compare aux attentats, car dans les deux cas on s’est retrouvé dans une situation inédite. Face à ce phénomène nouveau, venu de province, porté par des personnalités inconnues et très soutenu par l’opinion, on a d’abord décrit, on a ensuite décrypté en faisant venir les gens sur notre plateau, puis nous avons animé des débats, faits des documentaires et des émissions spéciales…

Nous n’avons peut-être pas eu tout juste mais nous avons avancé en marchant et, progressivement, nous avons trouvé l’équilibre. Au bout du compte, je ne vois pas comment on aurait pu faire différemment, à part déplacer le curseur à certains moments. C’est une expérience forte, qui remet en question, et c’est très sain.

« Europe l’heure du choix : l’ultime débat », sur BFM-TV à partir de 20 h 45, présenté par Ruth Elkrief et Appoline de Malherbe, avec Manon Aubry (LFI), Jordan Bardella (RN), François-Xavier Bellamy (LR), Ian Brossat (PCF), Nicolas Dupont-Aignan (DLF), Raphaël Glucksmann (PS-PP), Benoît Hamon (Génération.s.), Yannick Jadot (EELV), Jean-Christophe Lagarde (UDI), Nathalie Loiseau (LRM), Florian Philippot (LP).