Téji Savanier (au centre) et ses coéquipiers, lors du match face à Dijon, le 15 février, à Nîmes. / SYLVAIN THOMAS / AFP

Son nom ne figure pas dans l’équipe type des trophées de l’Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), dévoilée dimanche 19 mai. Pourtant, dans la catégorie milieu de terrain de ce onze des meilleurs joueurs de l’année en Ligue 1, Téji Savanier n’aurait pas fait pâle figure, tant celui qui est le maître à jouer de Nîmes Olympique n’a pas arrêté de surprendre cette saison.

Les observateurs du championnat de France ont découvert la finesse technique du milieu de 27 ans, sa science du jeu et sa « patte » droite sur coups de pied arrêtés. Outre les six buts qu’il a inscrits, Savanier est actuellement le meilleur passeur de Ligue 1, avec douze passes décisives, une de plus que le Parisien Di Maria et le Lillois Nicolas Pépé. Selon les bases de données d’Opta Sports, il est également le joueur des cinq grands championnats européens à avoir délivré le plus de passes décisives depuis le début de l’année civile.

L’écho de ses performances a dépassé les frontières : le média britannique The Guardian a publié un portrait le 13 mai, sur son blog Guardian Sport Network. De quoi s’interroger sur le manque de considération de ses pairs. « Il ne faut pas oublier que ce sont les joueurs qui votent, tente d’expliquer le directeur sportif de Nîmes, Laurent Boissier. On peut aussi se dire que, sur le terrain, Téji n’est pas un joueur qui est aimé. Il a du tempérament et n’hésite pas à aller au contact avec son adversaire. »

La première fois qu’il a fait parler de lui, c’était lors de la défaite face au PSG de Kylian Mbappé (2-4), le 1er septembre 2018. A la suite d’une faute d’antijeu, le champion du monde bouscule le Nîmois et les deux joueurs sont expulsés. Conséquence : trois matchs de suspension pour le premier, cinq pour le second. Une sanction que les Crocos n’ont toujours pas digérée.

« Je peux admettre le carton rouge, même si je le trouve sévère. Mais la suspension de cinq matchs, c’est un scandale », dit en soupirant l’entraîneur gardois Bernard Blaquart. Sans son joueur-clé, Nîmes affiche un bilan de six matchs sans victoire en championnat.

Formé chez le rival régional

C’est chez le rival régional que Savanier a fait ses premières classes. Formé à Montpellier, sa ville de naissance, il remporte la Coupe Gambardella en 2009. Non conservé par le club héraultais, il tente l’aventure en Ligue 2, à Arles-Avignon, de 2011 à 2015. Repéré par Laurent Boissier, il file à Nîmes, après le dépôt de bilan du club provençal.

Bernard Blaquart a fait de son meneur la pièce maîtresse de son dispositif en le plaçant en pointe basse d’un milieu à trois. « Techniquement, il élève le niveau de jeu de l’équipe, confirme son adjoint Jérôme Arpinon. C’est quelqu’un de très aimé, toujours de bonne humeur, mais c’est aussi un gros compétiteur. En dehors du terrain, il est très humble. Il est resté celui qu’il est depuis des années. »

Savanier a néanmoins dû changer un aspect de son quotidien : sa nutrition. Cet amateur de fast-food n’a jamais caché le fait qu’il ne savait pas cuisiner – « même pas des pâtes », comme il l’avouait à L’Equipe en avril. « Il aimait le foot mais ne faisait pas tout pour réussir. Son hygiène de vie et son alimentation n’étaient pas compatibles avec la vie d’un sportif de haut niveau », confie Bernard Blaquart.

L’entraîneur a pris les choses en main. « Je lui ai dit : “Téji, tu es un joueur de Ligue 2. Si ça te suffit, continue comme ça. Si tu es ambitieux, il faut que tu fasses des efforts.” Il a perdu du poids, il s’est beaucoup moins blessé. C’est devenu un grand professionnel. C’est une des grandes raisons, peut-être même la grande raison, qui fait qu’il ait explosé aujourd’hui. »

Issu de la communauté gitane, Savanier reste très attaché à sa famille et à la cité Gély, dans le quartier montpelliérain de Figuerolles. « Il est très proche de sa famille, c’est très important pour lui, assure Jérôme Arpinon. Je ne sais pas s’il arrivera à trouver ailleurs ce côté familial de proximité. »

« Je suis fier qu’il attise les convoitises »

Au vu de ses performances, le joueur est courtisé. Celui qui possède encore trois ans de contrat aux Costières ne sera pas bradé par le plus petit budget du championnat, qui fera tout pour le conserver. « Ce n’est pas la volonté du club de s’en séparer, déclare Laurent Boissier. Après, si chacun trouve son intérêt… Il faut penser à lui et à son avenir. Mais ni moi, ni le président, ni l’entraîneur, et encore moins le public n’avons envie de le voir partir. »

Le profil du no 11 des Crocos intéresserait plusieurs écuries de Ligue 1, dont Marseille, Monaco ou Saint-Etienne, et des équipes étrangères comme la Fiorentina et le Séville FC. Dans une interview accordée à Midi libre, le 17 mai, le président de Montpellier, Laurent Nicollin, a aussi déclaré qu’il suit de près sa situation : « Cela ne pourra se faire que si lui a envie de revenir dans son club formateur et qu’il le clame haut et fort. »

Pour l’instant, le joueur reste discret. Aperçu dans les tribunes de la Mosson lors du match face à Nantes, le 18 mai (1-1), il ne serait pas contre un retour au bercail. Evalué à 2,5 millions d’euros en début de saison, il vaudrait presque cinq fois plus aujourd’hui (10 millions d’euros, selon le site Transfermarkt.fr).

« Je suis fier qu’il attise les convoitises. On sait qu’il a des propositions de clubs européens. S’il veut rester à Nîmes, le club fera des efforts, affirme Bernard Blaquart. Mais c’est clair qu’on ne pourra pas rivaliser avec les très grandes équipes. En France, je pense qu’il peut jouer partout, même à Paris. Mais il faudra qu’il trouve un club qui lui laisse de la liberté dans le jeu. Il n’y a que comme ça qu’il s’exprimera, en se régalant. » Pour enfin être reconnu à sa juste valeur par ses confrères de Ligue 1.

Lohan Benaati