M. et Mme X sont, depuis 1991, propriétaires d’un appartement situé au troisième et dernier étage d’un immeuble. La Société civile immobilière (SCI) M&M, propriétaire des combles qui se trouvent au-dessus de leur tête, demande à la copropriété le droit de transformer ces derniers en appartement. L’assemblée générale le lui donne, le 17 mars 2009, à condition toutefois qu’elle réalise une chape de béton isolante, afin de garantir la tranquillité des occupants du dessous.

Le 20 octobre 2009, la SCI M&M vend les combles à la SCI France Immobilier, qui reprend à son compte le projet de transformation, fait faire les travaux en 2010, et met l’appartement en location, à partir de septembre 2011. M. et Mme X se plaignent alors d’importantes nuisances sonores, notamment de bruits d’impact (chutes d’objets, pas). Leur assureur mandate un expert technique qui préconise certains travaux d’isolation acoustique, mais la SCI ne réagit pas. Les époux X saisissent alors le juge des référés du tribunal de grande instance (TGI) de Villefranche-sur-Saône (Rhône), et obtiennent la désignation d’un expert judiciaire, le 22 mai 2014.

Expertise judiciaire

L’expert dépose son rapport le 21 mai 2015. Il constate que « l’intimité du logement des X » n’est « pas suffisamment assurée », seul le côté rue pouvant bénéficier d’une « occupation paisible », tandis que le côté cour est affecté par des bruits d’impact et des bruits aériens en provenance des combles. Il note que la SCI France Immobilier a installé un plancher en bois léger, « ce qui explique l’insuffisance de l’isolement aux bruits d’impact pour les basses fréquences (essentiellement les octaves centrées sur les fréquences 63 à 125 Hz) ». Il constate aussi que la SCI a fixé directement au plancher des parois légères en placoplatre, « ce qui est favorable aux transmissions latérales ».

L’expert préconise « la reprise complète » du plancher, et « la mise en œuvre d’un plancher flottant sur lambourdes acoustiques disposant de plots dont la fréquence de résonance sera comprise entre 8 et 10 hertz afin de filtrer les fréquences graves et très graves » ; il recommande aussi « une structure multiparois avec doublage efficace pour les aériens, intégrant une ou deux couches de laine minérale de forte densité, outre un relevé périphérique soigné afin d’éviter tout contact avec le plancher des autres éléments du bâtiment ce, dans une fourchette de prix de l’ordre de 300 à 600 euros le mètre carré ».

Droit de jouissance

Le 9 février 2016, M. et Mme X assignent à nouveau en référé la SCI France Immobilier, devant le TGI de Villefranche, afin que celui-ci juge qu’ils sont victimes d’un trouble manifestement illicite dans la jouissance de leur bien ; et qu’il condamne la société à faire effectuer les travaux préconisés par l’expert judiciaire, ainsi qu’à leur verser une provision à valoir sur leur préjudice de jouissance. L’article 809 du code de procédure civile permet en effet au juge des référés de prescrire les mesures conservatoires qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SCI répond principalement que l’immeuble, construit en 1969, n’étant pas soumis à une quelconque norme acoustique, les X ne peuvent se prévaloir d’un trouble manifestement illicite. Le TGI, qui se prononce le 26 mai 2016, répond que « le trouble manifestement illicite ne s’entend pas uniquement du non-respect d’une norme légale ou réglementaire, mais aussi du non-respect des droits des personnes ». Or, juge-t-il, « le droit de propriété incluant le respect du droit de jouissance attaché à la propriété », M. et Mme X « ne peuvent sans aucune raison légale être privés de leur droit de pleine jouissance de leur bien ».

Trouble manifestement illicite

Le TGI estime que le trouble manifestement illicite, constaté par la mesure d’expertise, « ne peut être toléré ». Il condamne la SCI à effectuer les travaux, sous peine d’astreinte de 75 euros par jour de retard ; il la condamne aussi à payer aux A une indemnité provisionnelle de 19 400 euros, pour les dédommager de leur préjudice de jouissance sur le côté cour. Cette partie de l’appartement comprenant notamment la chambre principale, il retient « un taux de 60 % »

La SCI France Immobilier cesse de louer l’appartement, mais fait appel. Elle explique notamment qu’il lui était impossible d’exécuter les travaux conformément aux prescriptions techniques de l’assemblée générale et de couler une dalle de béton, compte tenu du poids de celle-ci. Elle observe que l’expert judiciaire lui-même n’a pas retenu pas cette solution. Elle assure avoir respecté les obligations qui lui étaient imposées, et avoir opéré dans les règles de l’art.

La cour d’appel de Lyon, qui statue le 14 novembre 2017, estime que « le propriétaire des combles n’a pas respecté l’engagement pris lors de l’assemblée générale de garantir au maximum la tranquillité des occupants (isolation des sols et des murs) ». Elle juge à son tour que les X subissent un trouble manifestement illicite, et confirme l’ordonnance du TGI. Elle réduit toutefois la provision pour préjudice de jouissance à 12 000 euros. Mais elle donne à la SCI un délai de six mois pour effectuer les travaux. La SCI se pourvoit en cassation, mais elle essuie un rejet, le 14 mars 2019 (N° 18-12250).