Marrakech, au Maroc, en 2014. / Youssef Boudlal / REUTERS

Si le calme est revenu dans les classes du lycée Victor-Hugo de Marrakech, au Maroc, les élèves sont encore sous le choc. « J’ai d’abord été surpris d’entendre ces accusations contre le proviseur. Puis une amie m’a raconté les soucis qu’elle a eus avec lui. Elle dit avoir vécu des choses très dures, d’abord verbales puis physiques », témoigne un élève de terminale qui préfère rester anonyme.

Les premières accusations de harcèlement ont été envoyées par e-mail, le 14 mai, par une élève de terminale littéraire, fille d’une professeure dans le même établissement. Elle accuse Hervé Magot, le proviseur, d’avoir eu des propos et un comportement inapproprié lors de « convocations sans réels motifs ». « Aujourd’hui je dis non. Je dis non au harcèlement sexuel de M. Magot. Non aux mains qui se baladent […] qui touchent le haut de vos poitrines, le bas de vos reins, non aux anecdotes sexuelles. […] Parce que nous sommes nombreuses à en avoir souffert, justice doit être faite », dénonce dans ce courriel la jeune fille pour qui « le silence n’est plus une option ».

Dès le lendemain, des lycéens ont manifesté, pancartes #metoo à la main. Le proviseur, en poste depuis quatre ans, a été suspendu par la direction de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), en liaison étroite avec le poste diplomatique. Ce qui lui a interdit l’accès à l’établissement, précise-t-on au ministère de l’éducation. Il a fait l’objet d’une mesure d’appel par ordre au siège à Paris.

Le proviseur est rentré en France

« Il ne m’a rien fait de grave mais il a déjà touché mes cheveux. Je pensais seulement qu’il était tactile », raconte une élève. Elle ajoute qu’une de ses amies aurait subi des gestes plus inquiétants. « M. Magot l’a convoquée dans son bureau. Il lui a touché le ventre et des parties du corps qu’il ne devrait pas toucher », raconte-t-elle.

Depuis l’envoi du courriel, les débats vont bon train entre ceux qui accusent M. Magot et ceux qui parlent d’un « coup monté » contre ce proviseur connu pour sa rigueur. D’autres témoignages à charge ont été recueillis, affirme Driss, membre du conseil de la vie lycéenne qui a été à l’initiative de la manifestation, sans vouloir donner plus de détails. Selon plusieurs sources au sein du lycée, la jeune fille aurait porté plainte en France pour harcèlement sexuel. M. Magot, lui, aurait porté plainte pour diffamation. Contacté par Le Monde, il n’a pas souhaité commenter la décision prise par sa tutelle.

Alors que M. Magot est à ce jour rentré en France, une enquête administrative est en cours pour déterminer les suites à donner. Une première réunion a eu lieu à Marrakech, le 17 mai, entre le conseiller culturel de l’ambassade de France à Rabat et des représentants d’élèves et d’associations de parents et d’enseignants.

« A l’unanimité, tout le monde a confirmé ne pas avoir eu de témoignages de harcèlement avant l’e-mail de la jeune fille », explique Najwa Brouze, présidente du collectif de parents d’élèves Convergence et Progrès. « Nous, en ayant fréquenté le proviseur, nous n’avons jamais eu de problèmes avec lui. Mais nous ne pouvons pas nous prononcer aujourd’hui, nous attendons les résultats de l’enquête, tout en restant très vigilants. Nous devons être à l’écoute des jeunes filles, car ces accusations sont très graves, mais nous devons aussi écouter le proviseur », conclut-elle en insistant sur la neutralité du collectif.

Cellule d’écoute psychologique

« Nous prenons ce genre d’accusations très au sérieux, il faut protéger tout le monde et respecter la présomption d’innocence », ajoute une source diplomatique. Une nouvelle réunion devrait avoir lieu cette semaine, notamment avec le directeur des ressources humaines de l’AEFE, pour rencontrer l’ensemble de la communauté éducative.

En attendant que l’enquête se déroule, le lycée doit terminer l’année scolaire et organiser le baccalauréat dans une ambiance sereine. Le proviseur du lycée français de Meknès a été chargé de suivre les opérations de fin d’année et d’organiser la prochaine rentrée avec le proviseur adjoint.

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« Une cellule d’écoute psychologique a été mise en place pour les élèves de la primaire jusqu’à la terminale », souligne Najwa Brouze. « Il y a un retour au calme depuis la suspension du proviseur, nous pouvons travailler sereinement, témoigne une professeure du lycée. Les élèves de mes sept classes ne m’ont jamais posé de questions. Nous faisons tout pour qu’ils se concentrent sur l’essentiel : leur réussite. »