Le Parti pirate compte « pirater l’Assemblée ». / Morgane Tual / Le Monde

Et de quatre. Malgré des résultats globalement faibles lors des élections européennes de 2019, le Parti pirate a obtenu, dimanche 26 mai, quatre élus dans le nouveau Parlement européen. Soit trois de plus qu’en 2014.

Si, avec 0,14 % des voix seulement, le mouvement (qui défend les libertés numériques et le libre partage des savoirs) n’a obtenu aucun élu en France, ses représentants ont fait cent fois mieux en République tchèque : la liste du Parti pirate y a obtenu 13,95 % des suffrages et trois élus.

En Allemagne, le Parti pirate a en outre réussi à conserver le siège qu’il occupait déjà dans la précédente législature. Il sera occupé par Patrick Breyer, qui remplace l’eurodéputée Julia Reda comme représentant du mouvement. La campagne des Pirates allemands avait pourtant été entachée par un scandale, après l’exclusion du parti du numéro deux de la liste, pour des faits de harcèlement sexuel. Julia Reda avait alors annoncé qu’elle quittait le parti, pour siéger avec les écologistes.

Lors de son mandat, Julia Reda s’était notamment illustrée en incarnant l’opposition au projet de directive sur le droit d’auteur, finalement adoptée par le Parlement européen en mars après une longue bataille politique.

Dynamique tchèque

En République tchèque, les 13,95 % de voix et trois sièges obtenus par le Piratska Strana sont certes en dessous des attentes du mouvement, mais viennent couronner une nette progression du parti et de ses combats politiques des dernières années. Des manifestations contre la directive droit d’auteur ont eu lieu un peu partout dans le pays à son appel, l’an dernier et au printemps. En novembre, et grâce à une alliance atypique, la capitale, Prague, a élu un maire sous la bannière du Parti pirate, Zdenek Hrib, alors que le parti disposait déjà de 22 députés au Parlement national.

Le parti est notamment porté en République tchèque par son engagement en faveur de la lutte contre la corruption, thématique porteuse dans le pays, qui lui a permis de se positionner comme une alternative aux partis traditionnels qui ne soit pas un parti populiste ou extrémiste. Il bénéficie notamment d’un important taux de soutien chez les plus jeunes électeurs. Il serait selon les sondages la force politique préférée des 18-22 ans.

Poussée des écologistes

Le succès électoral des partis écologistes dans l’ensemble de l’Union devrait par ailleurs renforcer assez largement le poids des eurodéputés militant pour les libertés numériques. Historiquement engagés sur ces sujets, les eurodéputés écologistes de plusieurs pays ont fait en partie campagne sur la protection des données personnelles ou la neutralité du Net. Les Verts allemands, qui enregistrent une importante percée aux élections européennes de 2019 en doublant leur score de 2014, consacraient une large part de leur programme à la « nouvelle société numérique ».

En outre, les deux groupes ayant, en proportion, le plus soutenu la directive sur le droit d’auteur (le Parti populaire européen et les sociaux-démocrates), sont aussi ceux qui reculent le plus. Les groupes souverainistes-extrême droite et écologistes, qui s’y étaient le plus opposés, sont ceux qui enregistrent les gains les plus nets. La lecture à l’échelle européenne masque cependant d’importantes divergences nationales : en France, les eurodéputés du Rassemblement national avaient massivement voté pour le texte, contrairement à leurs homologues britanniques ou allemands.