Des membres de l’unité spéciale de la police du Kosovo, près du village de Cabra, Kosovo, le 28 mai 2018. / Visar Kryeziu / AP

L’affaire a commencé par une opération de police. Elle se poursuit mardi 28 mai par des mouvements de troupes serbes, vers la frontière entre les deux voisins. En réaction aux violences qui ont accompagné des arrestations menées par la police kosovare en zone majoritairement serbe, Belgrade a dépêché en direction de son ancienne province, qui a déclaré son indépendance en 2008 et dont elle ne reconnaît pas la souveraineté, une colonne de véhicules militaires et de blindés, selon l’agence officielle serbe Tanjug, citée par Associated Press.

Les habitants des enclaves serbes du Kosovo ne reconnaissent pas plus la légitimité de l’Etat dans lequel leur territoire est inclus que l’autorité de ses forces de police. Aussi, l’intervention, liée d’après les autorités de Pristina au démantèlement d’un réseau de corruption, de contrebande et de crime organisé au sein de la police et des douanes, a suscité une réaction violente des habitants de la région visée.

Blocage du dialogue

Pour s’opposer à l’intervention de la police, certains ont dressé des barricades, comme à Zubin Potok (nord), où des témoins ont fait état de coups de feu, tandis que la police a évoqué une « résistance armée ». Cinq policiers ont été blessés, dont deux par balles et trois alors qu’ils démantelaient des barricades, selon la police. Celle-ci a insisté sur l’absence de connotation communautaire de l’opération, les policiers arrêtés appartenant majoritairement à la communauté serbe, mais aussi aux communautés albanaise et bosniaque.

La mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) a dénoncé l’interpellation dans le cadre de leurs fonctions de deux de ses membres. Légèrement blessés, ils ont été conduits à l’hôpital. De son côté, la police kosovare a fait état de l’arrestation d’un employé russe de l’Organisation des Nations unies qui, selon elle, s’opposait à la police en plaçant son véhicule diplomatique dans une barricade à Zubin Potok. Celui-ci a été libéré dans l’après-midi, a indiqué la Minuk. Moscou, allié de la Serbie, avait dénoncé « un acte scandaleux ».

A Belgrade, le président de la Serbie, Aleksandar Vucic a ordonné la mise en état d’alerte de l’armée serbe. Celle-ci « protégera notre peuple en cas de menace sérieuse », a-t-il prévenu, en réaction. Cette mesure est prise épisodiquement à l’occasion des montées de tension dans le nord du Kosovo, peuplé majoritairement de Serbes. Si en début d’après-midi le calme semblait revenir dans la région, Belgrade semble décidé à une démonstration de force. Cette opération intervient en effet à un moment difficile dans les négociations entre les deux voisins. Après des mois de blocage du dialogue, un récent sommet à Berlin entre les présidents Vucic et Hashim Thaçi, n’a pas accouché de résultats tangibles.

« Comportement provocateur des Kosovars » selon Moscou

Lundi, Aleksandar Vucic avait affirmé s’attendre « chaque jour, chaque mois » à une attaque contre les Serbes du Kosovo, et répété que le dialogue ne reprendrait pas tant que le Kosovo n’aurait pas levé la barrière douanière imposée aux produits serbes. Ramush Haradinaj a prévenu que ces droits de douane de 100 % ne seraient abrogés que si Belgrade reconnaissait son ancienne province. Le Kosovo est reconnu par quelque 110 pays, pour la plupart des nations occidentales. Mais la Russie et la Chine, notamment, s’y opposent, ce qui lui ferme la porte de l’ONU.

Un des responsables de l’opposition serbe, Miroslav Aleksic, vice-président du Parti du peuple (droite), a dénoncé les violences de mardi comme « une terrible manipulation », « le début du dernier acte d’une pièce » jouée de concert par Aleksandar Vucic et les responsables kosovars. Selon lui, en faisant monter à dessein la tension, Aleksandar Vucic préparerait son opinion à un changement de doctrine de Belgrade, en lui offrant cette alternative : « Soit nous reconnaissons le Kosovo, soit nos enfants vont encore mourir. »

Chargée de la sécurité et de l’intégrité territoriale du Kosovo, la force internationale menée par l’Otan (KFOR) a confirmé qu’il s’agissait « seulement d’une opération de police (…) en relation avec une enquête de corruption ». Moscou a réfuté cette thèse, voyant dans ce « comportement provocateur des Kosovars », la « conséquence directe de l’indulgence pendant des années de l’Union européenne et des Etats-Unis » envers Pristina.

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