La journaliste Sandra Muller en mars 2018 à Paris. / BERTRAND GUAY / AFP

Le 13 octobre 2017, la journaliste Sandra Muller tweetait le message suivant :

Quatre heures plus tard, il était suivi par un second tweet :

Dans le sillage de l’affaire Weinstein – du nom du producteur américain accusé par une centaine de femmes d’agressions sexuelles –, la journaliste de La Lettre de l’audiovisuel venait de créer le hashtag #Balancetonporc. La parole de milliers de femmes dénonçant harcèlement ou agressions sexuelles s’était libérée sous ce mot-dièse, rapidement devenu viral, et sous son équivalent en anglais #Metoo lancé par l’actrice Alyssa Milano.

Plus d’un an et demi après ses tweets, Sandra Muller se retrouve mercredi 29 mai devant la 17e chambre civile du tribunal de Paris. Accusé nommément dans le second tweet, Eric Brion, consultant et ancien directeur général de la chaîne de télévision Equidia, l’avait en effet attaquée pour diffamation. Il réclame 50 000 euros de dommages et intérêts, 15 000 euros de frais de justice, la suppression du tweet divulguant son nom et des publications judiciaires.

« Contre toute décence »

Dans un communiqué posté en janvier 2018 sur sa page Facebook, la journaliste installée aux Etats-Unis dénonçait des poursuites engagées « contre toute décence » par Eric Brion. « Voilà quelqu’un qui a reconnu dans un premier temps qu’il a eu une conduite non convenable, qui s’en est excusé, et qui brusquement décide d’attaquer en justice », a commenté l’un de ses avocats, Francis Szpiner.

De son côté, Eric Brion dénonce l’enchaînement des deux tweets le présentant « comme un prédateur sexuel », affirme Me Nicolas Bénoit, qui le défend avec Me Marie Burguburu. « C’est de la délation. A aucun moment il n’a la possibilité de se défendre, il est cloué au pilori », ajoute l’avocat. « Il a été détruit, c’est la victime expiatoire. »

Dans une tribune publiée par Le Monde en décembre 2017, Eric Brion avait « réitéré ses excuses » à Mme Muller, reconnaissant avoir « tenu des propos déplacés » à son encontre « lors d’un cocktail arrosé très tard dans une soirée » – tous deux ne travaillant pas ensemble. Il affirmait néanmoins refuser « l’amalgame » entre son « comportement et l’affaire concernant Harvey Weinstein, accusé de viols et de harcèlement sexuel par plusieurs femmes ».

A la fin de 2017, Sandra Muller avait été désignée « briseuse de silence » par le magazine Time, qui avait consacré sa couverture des « personnalités de l’année » aux femmes à l’origine du mouvement #MeToo.