Anice Badri lors d’un match entre la Tunisie et la Turquie, à Genève, le 1er juin 2018. / FABRICE COFFRINI / AFP

Anice Badri, 28 ans, rêve de soulever, pour la deuxième fois consécutive, la coupe de la Ligue des champions de la Confédération africaine de football (CAF). Vendredi 31 mai, il joue la finale retour contre les Marocains du Wydad Athletic Club de Casablanca, sept mois après la victoire face aux Egyptiens d’Al Ahly qui avait permis à l’Espérance sportive de Tunis de décrocher le titre en 2018. Presque trois ans après sa signature avec le club le plus titré de Tunisie, par ailleurs trois fois vainqueur du tournoi africain, le milieu de terrain offensif se voit offrir la possibilité d’étoffer un palmarès déjà constitué de deux titres de champion national (en 2017 et 2018).

Anice Badri est un joueur atypique. Alors que les routes du football conduisent plutôt du Maghreb vers l’Europe, lui a fait le chemin inverse, à l’été 2016 :

« Je suis né à Lyon, j’ai été formé à l’Olympique lyonnais, j’ai joué à Saint-Priest, Chasselay, Lille et Mouscron, en Belgique. Mais dans la vie, il faut faire des choix. Et j’en ai fait un en décidant de poursuivre ma carrière à l’Espérance alors que j’avais des propositions en Belgique. »

Un pari gagnant, même si à l’époque, peu y croyaient… En France, « on m’a dit que je prenais des risques, mais j’avais l’avantage de connaître le pays et de parler arabe », explique celui dont les parents sont originaires du Kef (nord-ouest). En Tunisie aussi, sa signature à l’Espérance a interrogé. Oussama Haddadi, alors capitaine du Club africain, le grand rival tunisois, se souvient :

« Quand il est arrivé, il était considéré comme un Européen. Or le foot, en Tunisie, est difficile : il n’est pas aussi bien structuré qu’en France. Même si l’Espérance est un grand club, le niveau y est moins élevé, il y a parfois des incidents avec les supporteurs… C’est un autre contexte et les gens se demandaient s’il allait s’y habituer rapidement, car il y a toujours une grosse attente vis-à-vis des étrangers. »

Un pilier des Aigles de Carthage

Anice Badri, lui, n’a pas douté. « L’Espérance m’a proposé un projet sportif sérieux et un contrat financièrement intéressant », dit-il. Alors après une discussion avec son épouse, elle aussi native de Lyon et d’origine tunisienne, la famille s’est lancée.

Il lui a suffi de quelques mois pour rallier les sceptiques. « Il a un retour sur tous les investissements qu’il a consentis », résume Rachid Chihab, le directeur de la formation de son ancien club du LOSC (Lille). Outre ses succès avec l’Espérance, Anice Badri est devenu un des piliers de l’équipe nationale (quatorze sélections, cinq buts). Les supporteurs des Aigles de Carthage n’ont pas oublié son but tardif inscrit à Kinshasa en septembre 2017, face à la RDC, qui avait offert un aller pour le Mondial russe à une équipe absente en phase finale depuis 2006.

Plus que l’Europe, l’Afrique réussit à Anice Badri. Aujourd’hui, le joueur se prépare à sa deuxième Coupe d’Afrique des nations (CAN). Un mois avant l’ouverture de la compétition en Egypte, il estime qu’il y a certes « quelques favoris, comme l’Egypte, le Sénégal ou le Maroc », mais qu’à ses yeux, « juste derrière, il y a des outsiders, dont la Tunisie ». Et d’ajouter : « On va essayer de faire mieux qu’en 2017. » Son équipe avait alors été éliminée en quart de finale.

Cantonné à l’équipe réserve de Lille

Ses dernières années en Europe avaient été plus difficiles. Quand le jeune Franco-Tunisien était arrivé à Lille, en septembre 2010, Rachid Chihab s’était trouvé face à un joueur qui peinait à sortir du lot :

« Anice était un bon joueur. Mais ils sont nombreux à avoir son profil et il restait sur un échec relatif à Lyon. Mais j’ai compris qu’il était armé mentalement pour réussir, ou du moins s’en donner les moyens»

Pourtant, au LOSC, Badri est resté cantonné à l’équipe réserve à cause d’une concurrence féroce :

« On m’a proposé d’aller à Mouscron, un club dont Lille était propriétaire, et cela m’a paru être une bonne opportunité. En Belgique, j’ai joué en Division 2 puis en Division 1. Et malgré les blessures, j’ai réussi des saisons plutôt intéressantes. »

Rachid Chibah, qui a également passé quelques mois sur le banc de Mouscron, confirme que « c’est un bosseur, mais aussi quelqu’un qui sait faire des choix : celui d’aller en Belgique pour avoir du temps de jeu s’est révélé payant ». Et celui de la Tunisie est plus concluant encore.