La première ministre Jacinda Ardern au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, le 22 janvier 2019. / Arnd Wiegmann / REUTERS

Après plusieurs mois de spéculations et de suspense, la Nouvelle-Zélande a dévoilé, jeudi 30 mai, son budget « bien-être » présenté comme une première mondiale pour sa façon de mesurer les progrès économiques. Il prévoit une augmentation des dépenses publiques en matière de santé mentale, d’allocations pour les populations indigènes, ainsi que de lutte contre la pauvreté infantile et les violences familiales.

La première ministre Jacinda Ardern, à la tête d’un gouvernement de coalition travailliste, a défendu ce budget qui répond, selon elle, aux promesses de réformes qu’elle avait faites pendant la campagne électorale de 2017. « Nous avons dit que nous voulions être un gouvernement qui fait les choses différemment, et avec ce budget, c’est précisément ce que nous avons fait. Nous avons créé les bases non seulement d’un budget bien-être”, mais aussi d’une approche différente de la prise de décision gouvernementale dans son ensemble », a-t-elle assuré.

Mme Ardern, saluée de toutes parts pour sa compassion et sa détermination après les tueries qui avaient vu un suprémaciste blanc tuer 51 fidèles dans deux mosquées de Christchurch en mars, a déclaré que le budget accordait la priorité aux citoyens, devant les indicateurs économiques. Celui-ci a été largement salué par les agences sociales néo-zélandaises chargées de s’occuper des personnes vulnérables dans le pays.

L’indice du « bonheur national brut »

Devant le Parlement, le ministre des finances, Grant Robertson, a justifié ce budget par le fait que de nombreux Néo-Zélandais ne bénéficiaient pas de la croissance économique que connaît le pays dans leur vie quotidienne et que le budget de cette année avait été conçu pour remédier à la disparité croissante entre les nantis et les démunis.

Le gouvernement prévoit un excédent de 3,5 milliards de dollars néo-zélandais (deux milliards d’euros) pour l’exercice en cours (juillet 2018 à juin 2019), porté à 6,1 milliards de dollars d’ici à 2022-2023. Il table sur une croissance économique de 2,7 % en moyenne sur la même période.

C’est le royaume du Bhoutan qui a évoqué pour la première fois l’idée que le bien-être doit prendre le devant sur la croissance dans les années 1970, avant de créer, en 2008, son indice mondialement connu du « bonheur national brut ». D’autres pays ont mis en avant ce concept, en mesurant un taux national de bien-être, mais c’est la première fois qu’il est placé au centre de décisions relatives aux dépenses publiques.

Selon le quotidien britannique The Guardian, la santé mentale va bénéficier en Nouvelle-Zélande d’un financement de 1,9 milliard de dollars néo-zélandais (1,1 milliard d’euros), avec l’objectif, pour le gouvernement, d’aider 325 000 personnes ayant des besoins « légers à modérés » en santé mentale (anxiété, troubles dépressifs, etc.) et en toxicomanie d’ici 2023-24. « La santé mentale n’est plus à la périphérie de notre système de santé. C’est l’élément central de notre bien-être à tous », a déclaré M. Robertson. « Nous avons presque tous perdu des amis ou des membres de notre famille. S’assurer que les Néo-Zélandais peuvent maintenant se présenter à leur médecin généraliste ou à leur centre de santé et obtenir un soutien spécialisé en santé mentale est une première étape critique », a souligné Mme Ardern.

Scepticisme de l’opposition

Toujours selon le Guardian, les mesures de lutte contre les violences familiales bénéficient d’un investissement record de 320 millions de dollars. La réduction de la pauvreté des enfants – portefeuille dont Mme Ardern est responsable –, recevra plus d’un milliard de dollars. « Nous ne pouvons ignorer le stress et les tensions que le dénuement matériel cause à nos familles, a souligné Jacinda Ardern. Quand nos enfants vont mieux, nous allons tous mieux. »

L’opposition n’a pas caché son scepticisme. « Apparemment, il s’agit de mesurer vos réactions par rapport au soleil et à la lune, améliorer votre contrôle de vous-même et votre capacité à être vous-même », a ironisé une porte-parole de l’opposition, Amy Adams. « Je n’ai pas la moindre idée de ce que cela signifie et, en dehors de la bureaucratie de Wellington, je ne suis pas sûr que quelqu’un le sache », a-t-elle ajouté.

Le chef du parti de l’opposition, Simon Bridges, a, lui, qualifié le budget de « déception ». « Ce n’est pas un budget de bien-être. La plupart des Néo-Zélandais se demanderont ce qu’ils en retireront. Les familles veulent plus d’argent dans leur budget hebdomadaire pour la nourriture, l’essence et le loyer. Au lieu de cela, leurs impôts vont aux chemins de fer, aux forces de défense et aux arbres, a-t-il déploré. Ce budget a plus de style que de substance. Il a peut-être une couverture brillante avec de belles photos, mais il est creux à l’intérieur. »