A quoi sert le speaker de la Chambre des communes (et pourquoi il crie autant)
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Tenu à une stricte neutralité politique au Royaume-Uni, le speaker de la Chambre des communes, John Bercow, a profité d’un déplacement aux Etats-Unis, mercredi 29 mai, pour clarifier sa vision des débats à venir sur le Brexit, ainsi que son rôle d’arbitre des discussions – animées – de la Chambre basse du Parlement britannique.

Depuis Washington, où il était invité pour une conférence de la Brookings Institution, M. Bercow a affirmé au quotidien anglais The Guardian vouloir rester speaker dans les prochains mois, alors qu’il avait annoncé, dès son premier discours de candidature au poste, en 2009, ne pas vouloir briguer plus de neuf années de mandats.

« Je n’ai jamais dit que j’allais partir au mois de juillet de cette année, déclare-t-il au Guardian, balayant ainsi de premières rumeurs sur sa démission. J’ai le sentiment que nous traversons une période de grands événements, que d’importantes problématiques devront être résolues, et que, dans ces circonstances, il ne me semble pas propice de laisser ce siège vacant. »

Le Parlement comme barrage au « no deal »

John Bercow, lors d’un débat sur le Brexit, au palais de Westminster, à Londres, le 29 mars. / MARK DUFFY / AFP

Habitué aux déclarations – parfois pleines d’ironie – sur l’importance de la neutralité de sa position, John Bercow se permet fréquemment de monter au créneau pour défendre l’importance de l’institution qu’il représente. Avec cette interview, le président de la Chambre des communes envoie un message clair aux conservateurs pro-Brexit et au successeur à venir de la première ministre, quelques jours après l’annonce de la démission de Theresa May.

« Les députés ont montré qu’ils trouveraient des moyens pour empêcher le Royaume-Uni de quitter l’UE sans un accord, analyse la BBC. Et le speaker a montré qu’il n’hésiterait pas à prendre des décisions controversées et à faire ce que personne n’a fait au Parlement » pour respecter leur souhait.

Si le Parlement britannique a voté à plusieurs reprises contre la possibilité d’un Brexit sans accord, plusieurs candidats à la succession de Mme May, à commencer par Boris Johnson, Dominic Raab et Estelle McVey, ne l’excluent pas. En désignant le Parlement comme acteur incontournable du processus de sortie de l’Union européenne, John Bercow en fait aussi un barrage contre une sortie sans accord. Mais cela pourrait « ne pas suffire », selon le député Nick Boles, l’un des plus opposés au no deal. « Nous devons voter une loi pour cela », explique-t-il au Guardian, en réaction aux propos du speaker.

Outre le principal quotidien britannique, John Bercow s’est aussi exprimé dans le Washington Post, mercredi. Dans le long portrait que lui consacre le quotidien américain, le speaker fait la liste de ses orateurs préférés, jure qu’il ne prépare aucune de ses répliques devant son miroir le matin, et confie avoir nommé son chat « Order » en référence à son expression favorite, qui lui a valu de nombreux détournements sur Internet.

Mais au-delà des anecdotes, il assène de nouveau l’importance de sa mission et la neutralité de sa position : « Ce n’est pas le rôle du speaker de réaliser le Brexit ou de chercher à l’arrêter, déclare John Bercow. Mais c’est le rôle du speaker de faire valoir au mieux les droits du Parlement. »

« Lost in Brexit » : le schéma pour tout comprendre à six mois de couacs entre Londres et Bruxelles

Il y a un peu plus de six mois, le 13 novembre 2018, Londres et Bruxelles s’entendaient sur un accord de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE), après quarante-six ans de cohabitation. La date prévue pour cette sortie était le 29 mars, mais devant l’incapacité des parlementaires d’outre-Manche à se mettre d’accord avec leur gouvernement, un premier report a été négocié jusqu’à la fin du mois de mai. L’Union européenne a ensuite accepté un nouveau report, cette fois jusqu’au 31 octobre au plus tard. La première ministre britannique, Theresa May, a, de son côté, annoncé le 24 mai sa démission, qui sera effective le 7 juin.

Six mois de tergiversations donc, essentiellement côté britannique, et d’allers-retours entre Theresa May, sa majorité conservatrice, l’opinion publique et même l’opposition travailliste… Pour vous y retrouver, nous avons « résumé » les étapes de tous les rebondissements depuis la finalisation de l’accord.