A Subic Bay, un port situé au nord-ouest de Manille (Philippines), le cargo chargé de ramasser et retourner 69 conteneurs de déchets canadiens qui, selon le gouvernement philippin, ont été expédiés illégalement dans son pays il y a des années. « Pas de déchets », peut-on lire sur la pancarte. / Aaron Favila / AP

Alors que plusieurs pays d’Asie du Sud-Est manifestent leur volonté de ne plus être les décharges du monde occidental, les Philippes ont renvoyé vers le Canada, vendredi 31 mai, des tonnes de déchets reçues il y a plusieurs années, qui ont été au cœur d’un vif contentieux entre les deux pays.

A la suite d’une longue campagne visant à exhorter le Canada à reprendre ces déchets en décomposition, le président philippin, Rodrigo Duterte, a ordonné la semaine dernière le départ immédiat de cette cargaison. Soixante-neuf conteneurs ont été chargés à bord d’un cargo à Subic Bay, un port – ancienne base navale américaine – situé au nord-ouest de Manille, et le navire a appareillé vendredi pour le Canada.

« Baaaaaaaaa bye, comme on dit », a tweeté le ministre philippin des affaires étrangères, Teodoro Locsin, avec une photo du cargo en partance.

Des villages transformés en décharges

La Malaisie a annoncé il y a quelques jours qu’elle allait retourner 450 tonnes de déchets plastique à plusieurs pays, dont l’Australie, le Bangladesh, le Canada, la Chine, le Japon, l’Arabie saoudite et les Etats-Unis. « La Malaisie ne sera pas la décharge du monde », avait déclaré la ministre malaisienne chargée de l’énergie, de l’environnement et des sciences, Yeo Bee Yin. « Nous ne nous laisserons pas intimider par les pays développés. »

La Chine a longtemps accepté les déchets plastique du monde entier, avant de cesser soudainement l’an passé, citant des préoccupations environnementales. Plusieurs pays d’Asie du Sud-Est s’étaient alors placés sur le créneau laissé vacant par Pékin, mais sont en train de renoncer. Néanmoins, d’énormes quantités de déchets ont été expédiées vers la Malaisie, l’Indonésie ou, dans une moindre mesure, les Philippines.

« Nous avons vu des villages vierges transformés en décharges en raison d’un tsunami de cargaisons de déchets venus des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Australie après l’interdiction chinoise », a déclaré Von Hernandez, coordinateur de la coalition mondiale d’ONG Break Free From Plastic.

« Combattons le Canada »

Aux Philippines, le contentieux avec le Canada dure depuis des années. Il concerne des dizaines de conteneurs envoyés par une société canadienne en 2013 et 2014, qui étaient de façon inappropriée étiquetés comme renfermant des déchets recyclables. Il a pris une ampleur spectaculaire le mois dernier quand, dans un discours, M. Duterte a déclaré : « Combattons le Canada. Je vais leur déclarer la guerre. »

Le Canada s’était engagé à reprendre ses déchets, mais n’avait pas respecté un délai fixé au 15 mai par Manille pour le faire. Et les Philippines avaient rappelé leur ambassadeur à Ottawa ainsi que leurs consuls généraux. La tension était montée d’un cran quand Salvador Panelo, porte-parole de M. Duterte, avait menacé d’envoyer immédiatement la cargaison et de la déverser dans les eaux territoriales canadiennes. Les Philippines s’étaient dites prêtes à rompre les liens diplomatiques avec Ottawa.

Le départ des conteneurs de déchets devrait apaiser ces tensions. Le ministère canadien de l’environnement a récemment assuré que le Canada avait « modifié sa réglementation afin de prévenir toute future exportation de telles matières sans permis ». « Nous nous sommes engagés auprès des Philippines et nous travaillons étroitement avec eux », a déclaré, jeudi, la ministre canadienne de l’environnement, Catherine McKenna.

Environ 300 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, selon le Fonds mondial pour la nature (WWF). Et l’essentiel finit dans des décharges ou dans les océans, générant une pollution que la communauté internationale est actuellement incapable de gérer. On estime à 9 % la quantité de plastique produite entre 1950 et 2015 qui a été recyclée.