• François Meïmoun
    Le Chant de la Création et autres œuvres

    Divers solistes, quatuor Ardeo, quatuor Tana, Orchestre national de Bordeaux Aquitaine, Paul Daniel (direction)

Pochette de l’album « Le Chant de la Création et autres œuvres », de François Meïmoun. / TRITON

François Meïmoun voit la musique en grand. A preuve, la dimension cosmique du Chant de la Création (2017), spectaculaire concerto pour orchestre qui ouvre (tant par sa place dans le programme que par sa nature éruptive) et couvre (par son titre symbolique comme par ses procédés d’écriture) judicieusement le premier CD monographique consacré à ce compositeur né en 1979. Son langage peut paraître composite (il l’est assurément dans le parcours d’une œuvre, moins dans celui du disque) mais l’expression est portée par un souffle tel qu’elle oblige à prendre de la hauteur avec les questions de style. Le rythme (trois des morceaux interprétés ici sont des danses) figure une donnée fondamentale, le lyrisme aussi. Avec une énergie du désespoir qui laisse penser que François Meïmoun voit la musique en grand… romantique. Pierre Gervasoni

1 CD Triton.

  • Leonardo Da Vinci
    La Musique secrète

    Doulce Mémoire, Denis Raisin Dadre (direction)

Pochette de l’album « La Musique secrète », évocation de Leonard de Vinci par Doulce Mémoire, Denis Raisin Dadre (direction). / ALPHA

Ce mois de mai voit la célébration des cinq cents ans de la disparition de Léonard de Vinci. Pour fêter ses 30 ans, Doulce Mémoire, ensemble fondé par le flûtiste Denis Raisin Dadre, n’a pas, à la façon dont Jordi Savall conçoit des programmes qui immergent l’auditeur dans une esthétique où histoire et création artistique dialoguent au plus juste , décidé d’accompagner l’homme de génie dans ses pérégrinations et les allégeances à ses mécènes. Pas plus que dans sa propre pratique, toute d’improvisation de cette lira da braccio que les néoplatoniciens tenaient pour leur lyre d’Orphée. Il fait le choix, par des pièces du temps, empruntées tant à la production italienne qu’aux polyphonies franco-flamandes, de faire écho à dix tableaux, de L’Annonciation à saint Jean Baptiste en passant par La Joconde et La Vierge aux rochers. Le parti pris peut surprendre, les dialogues paraissant d’une pertinence variable, mais comme il s’agit avant tout d’une invitation à l’extase ineffable, on s’abandonne sans remords à la grâce des motets d’Obrecht, Isaac ou Josquin comme à celle d’un rondeau du plus obscur Hayne van Ghizeghem. Un moment où délicatesse et subtilité sont en parfaite harmonie. Philippe-Jean Catinchi

1 CD et 1 livre Alpha.

  • Christian Pabœuf Quartet
    Les Chemins aléatoires

Pochette de l’album « Les Chemins aléatoires », du Christian Pabœuf Quartet. / SOUNDCLOUD / L’AUTRE DISTRIBUTION

Attention, album imprévisible ! Enchaînement de pièces minutieuses, libres, toutes composées par Christian Pabœuf. Le quartet qu’il conduit sur « des chemins aléatoires » est une très terrienne surprise. Gaietés inattendues, entre Ornette et Satie. Chansons savamment égarées hors la route ordinaire. Cadrage-débordement de l’auditeur ravi, zig-zags surprises, songes acides… Les titres indiquent la voie, sur fond de douleur dite en dédicace à Micheline Pabœuf. Amitié, loyauté, ça chante, ça fait bizarre, ça sonne naturel, très troublant d’étrangeté familière. Christian Pabœuf sort de vingt ans de musiques de scènes et de ciné-concerts très suivis en Aquitaine. Virage sur l’aile, il renoue avec « la peur du trac », réunit des fidèles croisés sur les chemins aléatoires des musiques, et passe à l’acte : Pierre Thibaud (percussions, saxophone soprano), Xavier Duprat (claviers, Moog), Daniel Pabœuf en invité (saxophone), plus la voix off de Mari Kazue Yamagishi. Christian Pabœuf, lui, compose, anime et se multiplie (vibraphone, hautbois, flûte à bec, petite basse baroque). A la trompette ou au bugle (sonorité et phrasé dignes d’Art Farmer), Régis Lahontáa, splendeur. Grande unité de récit sans ego. Bande de grands chemins. C’est devenu si rare, un album que l’on réécoute pour danser autour de son secret. Réécouter n’est plus à l’ordre du jour. Autant foncer. Francis Marmande

1 CD Soundcloud/L’Autre Distribution.

  • Renan Luce
    Renan Luce

Pochette de l’album « Renan Luce », de Renan Luce. / BARCLAY / UNIVERSAL MUSIC

Quatrième album pour Renan Luce, avec pour thème principal celui de la passion enfuie, de la séparation, des tourments de l’absence, la solitude de l’après. Cordes, piano, parfois des vents, des percussions traitées finement constituent le bel écrin musical à ses chansons. Elles sont un peu tristes (Au début, en ouverture, avec des brisures vocales, Berlin, voyage de parents « qui font comme si rien n’était détruit » pour protéger leur enfant, Le Vent fou), mélancoliques (On s’habitue à tout – là aussi pas à son plus précis vocalement –, qui rappelle l’univers de Brel, Citadin), retrouvent ici et là un rien de la fantaisie qui avait séduit dans les albums Repenti ou D’une tonne à un tout petit poids (Du champagne à 15 heures, Dans de beaux draps, et son refrain paradoxal « j’adore nos disputes »). A distance du dépit ou de la rancœur, Renan Luce exprime ici plutôt de tendres regrets, tant par les textes que par les orchestrations soignées, jusqu’à la conclusion optimiste, A bientôt, renouveau. Sylvain Siclier

1  CD Barclay/Universal Music.

  • Derya Yildirim & Grup Şimşek
    Kar Yağar

Pochette de l’album « Kar Yağar », de Derya Yildirim & Grup Şimşek. / CATAPULT RECORDS-LES DISQUES BONGO JOE / L’AUTRE DISTRIBUTION

La musique anatolienne des années 1970 va-t-elle devenir tendance, à l’instar de la musique éthiopienne de cette même époque qui a nourri et continue de féconder l’inspiration des musiciens occidentaux ? Après le groupe néerlandais Altin Gün (dont l’attrayant deuxième album, Gece, est paru récemment chez Glitterbeat), voici un autre groupe européen éclairé et conquis par le son urbain anatolien des seventies. Un croisement entre pop psychédélique anglo-saxonne et mélodies traditionnelles turques dont Grup Şimşek, formé de musiciens français, italien, anglais et la chanteuse turque (joli timbre clair et sinueux) Derya Yıldırım, basée à Hambourg, en Allemagne, font une relecture radieuse. Dans ce réjouissant premier album aux sonorités vintage (pédale wah-wah, synthés), enregistré à Chambéry, ils réinventent un répertoire et le prolongent avec brio, signant, entre les vers de poètes, anonymes ou célèbres (Nâzım Hikmet Ran), et des airs traditionnels, leurs propres compositions, dont Kar Yağa, le titre dansant qui donne son nom à l’album, écrit par la chanteuse, également joueuse de luth bağlama. Patrick Labesse

1 CD Catapult Records-Les Disques Bongo Joe/L’Autre Distribution.