Trésor Ntore et Shirley Souagnon dans la minisérie « Coming out en France et en Afrique » diffusée sur France TV Slash depuis le 27 mai 2019. / Aurélien Francisco Barros/Fablabchannel

Se savoir gay, l’accepter et le faire accepter. A Paris, Ouagadougou ou Bujumbura, les jeunes homosexuels, garçons et filles, se sentent souvent très seuls sur ce chemin. Pour les accompagner, France TV Slash a imaginé une minisérie documentaire de six épisodes de six minutes. Conçue comme un témoignage à plusieurs voix, Coming out en France et en Afrique est diffusée sur le Web et les réseaux sociaux depuis le 27 mai et restera visible jusqu’en 2022.

Articulés autour du Franco-Burundais Trésor Ntore, 20 ans, les épisodes abordent les grandes problématiques rencontrées par les adolescents aux prises avec la nécessité de révéler leur homosexualité et de l’assumer dans leur vie quotidienne. « Oser », « Se découvrir », « Donner le temps à ses proches », « Affronter l’homophobie », « Etre gay au Burkina », « Espérer » : les six chapitres font parler des jeunes de Paris, Rennes, Lille, Ouagadougou, Bujumbura, une sœur, un père, un homophobe aussi.

Afrique ou Europe, le lieu d’où ils parlent n’a finalement pas tant d’importance. Leurs paroles, leurs émotions, leurs souffrances, leur libération, leurs peurs, touchent le spectateur par leur universalité. Le réalisateur franco-brésilien Aurélien Francisco Barros s’est d’ailleurs attaché à filmer ces jeunes adultes en plan resserré, remettant le « je » au centre du jeu social qui les oppresse, au sens propre comme au figuré.

Insultes quotidiennes

Oui, le Burkina Faso et le Burundi sont plus homophobes que la France, mais partout les mêmes ressorts d’intolérance religieuse, politique, culturelle, familiale sont à l’œuvre. Oui, les jeunes Africains qui parlent le font de manière anonyme (tous les prénoms ont dû être changés) tant le danger est réel pour leur vie. A Ouagadougou, il n’est pas rare que soient organisés par le biais des réseaux sociaux de faux rendez-vous amoureux avec de vrais gays qui se retrouvent pris au piège et sont bastonnés. Quant aux Burundais, ils subissent les assauts d’un président ouvertement et violemment homophobe, qui a promulgué en 2009 une loi criminalisant l’homosexualité alors que le code pénal n’en faisait pas mention. Mais le témoignage du jeune Parisien Thomas, qui a subi son lot d’insultes quotidiennes à l’école, de menaces de mort et finalement une agression de la part de ses « camarades », rappelle qu’« au pays des droits de l’homme », la différence ne va pas non plus toujours de soi.

Au Burundi, depuis 2009, une loi criminalise l’homosexualité alors que le code pénal ne la mentionnait même pas. / Aurélien Francisco Barros/Fablabchannel

Dans cette minisérie engagée, l’espoir est porté par Lucille, dont le frère Nathan vient de faire son coming out. Nathan, qui espère au passage « pouvoir sortir un jour dehors sans craindre de se faire tabasser ». Contre toute attente, c’est elle, et non ses parents, qui rejette ce frère plus jeune qu’elle considère d’abord comme « malade » ou « anormal ». Croyante, elle se sent « déstabilisée » dans ses convictions, dans les schémas qu’elle a de l’amour, de la sexualité, du couple, de la famille. Tout au long de la série, elle racontera ce chemin qui lui impose de tout repenser à l’aune de son amour pour son frère, pour finir par comprendre que « le problème n’est pas l’homosexualité, c’est juste le fait qu’on ne sache pas ». « Une ignorance qui tue », rappelle Trésor Ntore.

Trésor Ntore, coauteur avec Hélène Seingier du documentaire, est le trait d’union entre les deux continents. Natif de Bujumbura, il a grandi au Burundi, en République du Congo et au Burkina Faso, avant de venir faire ses études supérieures à Rennes. Devenu militant LGBT à Brazzaville après avoir fait son coming out à l’âge de 13 ans, il choisit pour la série de faire parler ses amis ou des jeunes rencontrés au fil de son engagement militant en France et en Afrique. « Les personnes homosexuelles ne sont pas des personnes vulnérables, explique Trésor au Monde Afrique. La question n’est pas tant de lutter contre l’homophobie que de donner les moyens aux gays de se renforcer. Ils n’ont pas à être mis sous tutelle. Ils veulent vivre comme les autres. »

L’humoriste Shirley Souagnon apporte son soutien à cette entreprise, destinée aussi à ceux qui veulent comprendre. Lesbienne affirmée, la comédienne d’origine ivoirienne est notamment connue pour ses sketches désopilants sur la condition féminine, noire et homosexuelle. « Il ne manque que le fauteuil roulant et je suis au top ! », se plaît à provoquer Shirley, dont la parole est pleine d’empathie, même à l’endroit des homophobes. Il faut leur « donner de l’amour, plaide-t-elle. Eux qui pensent qu’ils ont des choses à t’apprendre, montre-leur que c’est toi qui vas leur apprendre quelque chose. »

Shirley Souagnon - Gay Gay Gay
Durée : 06:13

L’une des surprises de ce voyage intérieur est que l’homophobie n’est pas toujours là où on l’attend. Le premier pas que tous ces jeunes homosexuels racontent avoir dû faire, c’est celui de chasser l’homophobe qui était en eux. Leur premier réflexe a presque toujours été de lutter contre eux-mêmes et d’attendre « que ça passe avec l’âge ». Par peur de décevoir l’attente de leurs parents, celle de leur société, par peur d’en baver. Jusqu’à comprendre comme le raconte Emmanuel, à Ouagadougou, que « nous sommes des êtres humains, nous sommes faits de chair et de sang, nous aimons comme vous, nous aimons comme tout le monde. Nous sommes tout le monde ».

Les Haut-Parleurs sur France TV Slash

Créée début 2018, Slash est la plate-forme vidéo de France TV à destination des jeunes de 18 à 30 ans, dont toute la production est visible gratuitement sur le site Internet du service public et sur les réseaux sociaux. Miniséries, webdocumentaires et reportages de qualité sont proposés aux jeunes. Cette multidiffusion permet de les faire réagir à partir des créations conçues pour aborder les problématiques qui les touchent.

La série Skam, diffusée quasiment en temps réel, raconte le quotidien d’une bande de jeunes lycéens. Dès sa création en février 2018, le format court de deux minutes rencontre un énorme succès et comptabilise aujourd’hui plus de 55 millions de vues. Chaque saison est centrée sur l’un des personnages de la bande. La saison 3 s’attachait à Lucas qui découvre son homosexualité en rencontrant Eliott, un nouvel élève du lycée. L’avalanche de réactions positives sur les réseaux sociaux a donné l’idée à France TV de faire réaliser une minisérie documentaire sur la question du coming out.

C’est l’agence médiatique de jeunes reporters francophones Les Haut-Parleurs, produite par Fablabchannel et TV5 Monde, qui s’est lancée dans l’aventure. Ainsi est né Coming out en France et en Afrique sous la conduite de sa rédactrice en chef, Hélène Seingier, qui a également coécrit la minisérie de six épisodes avec le Franco-Burundais Trésor Ntore.

Coming out en France et en Afrique, minisérie réalisée par Aurélien Francisco Barros pour Les Haut-Parleurs et produite par Fablabchannel en partenariat avec TV5Monde, est diffusée sur France TV Slash et sur les réseaux sociaux jusqu’en 2022.