Adaptée par Jeanne Herry pour Canal+, la mini-série « Mouche » met en scène une trentenaire urbaine paumée mais férocement drôle. Rencontre avec Camille Cottin, qui reprend le rôle-titre.

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Aviez-vous vu Fleabag avant d’avoir le projet Mouche entre les mains ?

Oui, j’ai découvert cette série il y a deux ans, j’ai été très touchée et émue par le travail de Phoebe Waller-Bridge. Je suis très fan, c’est ce qui fait que j’ai hésité avant d’accepter Mouche. Finalement, j’ai trouvé la partition tellement belle que je me suis dit que ce serait dommage de s’en priver. Et puis à l’époque où on m’a proposé Mouche, Fleabag était très peu connue en France. Je voyais plein d’acteurs qui n’en avaient jamais entendu parler passer les essais.

Dans le milieu des journalistes et du cinéma, tout le monde connaît, mais Mouche ne s’adresse pas forcément à eux. Je me suis rassurée en me disant que je faisais partie de cette équipe, celle de Phoebe, et que j’étais un petit bastion français à qui on avait passé le bâton de relais pour défendre ce petit bijou en France. Mais je n’ai pas revu la série avant de tourner, sur les conseils de Jeanne.

Par moments, il y a presque une ressemblance physique entre vous et le personnage anglais de Fleabag.

C’est drôle, ma sœur me l’a dit aussi ! C’est elle qui m’a fait découvrir Fleabag, d’ailleurs. Elle m’a dit : « Tu vas voir, les sœurs, c’est nous ! ». Sauf que je m’identifiais plutôt à Claire (Louise dans la version française) à ce moment-là. Ça me rappelle un peu mon rôle d’Andrea, dans Dix pour cent, inspiré d’Elisabeth Tanner. Je ne l’ai vue qu’une fois avant de tourner, et elle m’a dit ensuite qu’elle avait retrouvé certaines de ses mimiques chez moi.

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Comment avez-vous travaillé avec Jeanne Herry, qui vous avait déjà dirigée sur Dix pour cent ?

C’était un grand plaisir de retrouver Jeanne, son intervention sur Dix pour cent était très riche et enthousiasmante. Elle est très généreuse dans ce qu’elle transmet aux acteurs, tout en étant très exigeante sur le texte. Quand elle écrit, elle a un rythme dans la tête. C’est une particularité qui induit beaucoup de choses. Sa mise en scène est très précise. En ce qui me concerne, j’ai un petit côté animal, donc elle me laissait quand même parfois appréhender l’espace comme je le sentais. Il fallait trouver l’équilibre entre mon admiration pour le travail de Phoebe et l’exigence de Jeanne.

Jeanne voulait créer un esprit de troupe sur le tournage. L’énergie qui circule entre les comédiens est très importante car Mouche est un personnage qui se trouve très souvent en réaction par rapport aux autres, elle reçoit beaucoup, et pas mal de gifles d’ailleurs.

Mouche n’est pas forcément un personnage très attachant, un peu comme Andrea ou la « Connasse »…

La Connasse est surtout un clown, une figure. Sur le papier, Andrea me fascinait beaucoup, son côté antipathique me faisait rire. Sur Fleabag, j’ai mis un peu de temps à comprendre où ça allait. Ce que j’ai aimé, c’est qu’elle joue la complicité avec le public alors qu’elle ne se dévoile pas du tout. C’est déstabilisant pour le spectateur. Il y a ce truc chez elle, cette petite lumière, cette distance dans les yeux qui laisse croire qu’elle traverse la vie en rigolant alors qu’à l’intérieur, elle est détruite.

La sexualité tient une place importante dans la série, comment avez-vous abordé cette facette du personnage ?

J’ai trouvé très intéressant que Fleabag parle autant de sexualité sans jamais avoir recours à la nudité, c’est très progressiste. Phoebe est dans une démarche qui consiste à oser dire et montrer les situations, mais du point de vue féminin et sans forcément tout montrer. La nudité des femmes à l’écran est devenue tellement commune…