Le vice-ministre de l’information, Guo Weimin, le 2 juin à Pékin. / CHINA STRINGER NETWORK / REUTERS

Trois semaines après l’échec de leurs négociations commerciales et à moins d’un mois du prochain sommet du G20 (les 28 et 29 juin au Japon), la Chine communiste et les Etats-Unis connaissent une des pires crises depuis l’établissement de leurs relations diplomatiques en 1979.

Sur le plan économique, c’est le vice-ministre de l’information, Guo Weimin, qui a présenté dimanche 2 juin un Livre blanc détaillant la version chinoise de la guerre commerciale lancée par les Etats-Unis. Celle-ci ne « rend pas sa grandeur à l’Amérique », a estimé M. Guo. Une référence au slogan de campagne de Donald Trump (« Make America great again ») qui n’est pas qu’ironique.

Jusqu’ici, les Chinois se gardaient d’attaquer nommément le président américain. Sur le fond, non seulement les Etats-Unis « portent l’entière responsabilité » de l’échec des négociations, mais la Chine confirme qu’elle ne « transigera pas sur les principes fondamentaux ». Elle juge d’ailleurs « totalement infondées » les critiques occidentales sur le vol de propriété intellectuelle et ne voit donc aucune raison de changer de modèle économique.

« Liste d’entreprises non fiables »

Cette déclaration fait suite à une série de mesures prises les jours précédents à l’encontre des Etats-Unis, notamment l’entrée en vigueur, samedi 1er juin, de nouveaux droits de douane sur 60 milliards de dollars de produits américains importés chaque année en Chine, en réponse aux dernières sanctions américaines prises début mai sur 200 milliards de dollars de produits chinois.

La veille, la Chine avait annoncé son intention de mettre prochainement en place une « liste d’entreprises non fiables », comme le font les Etats-Unis. Cette liste devrait concerner des « entités » ou des « personnes » qui ont « pris des mesures contre la Chine ». Une décision qui fait suite aux mesures prises par les Etats-Unis pour bloquer l’accès du géant chinois des télécommunications Huawei au marché américain mais aussi pour l’empêcher d’utiliser des composants américains.

Le transporteur Fedex, qui a détourné vers les Etats-Unis des colis de Huawei qui ne devaient être transportés qu’entre pays asiatiques, est d’ores et déjà dans la ligne de mire de Pékin, qui a ouvert une enquête officielle. Fedex plaide « l’erreur » et annonce qu’elle coopérera avec la Chine.

Décisions « appropriées » lors du massacre de Tiananmen

Cette stratégie offensive de la Chine n’est pas une surprise. Depuis deux semaines, les dirigeants chinois indiquent clairement qu’ils ne céderont pas à ce qu’ils perçoivent comme un diktat américain. Dans tous les médias, le discours officiel est que les Etats-Unis ont bien plus à perdre que la Chine d’une guerre commerciale.

Ces différends commerciaux et technologiques viennent se superposer à la « rivalité stratégique » qui s’exacerbe entre la Chine et les Etats-Unis. A Singapour, lors du forum sur la sécurité Shangri-La Dialogue, le ministre de la défense, le général Wei Fenghe, a abordé dimanche la question de la guerre commerciale, en même temps que les sujets stratégiques.

Signe de la confiance en soi de la Chine, elle affronte des tabous. A la veille du 30anniversaire du massacre de Tiananmen, un sujet qu’il est interdit d’évoquer en Chine, le ministre a jugé que la proclamation de l’état d’urgence et la répression destinée à mettre fin aux manifestations le 4 juin 1989 étaient des décisions « appropriées » grâce auxquelles le pays avait connu « trente années de changements majeurs », de « stabilité et de développement ». Selon la Croix-Rouge, il y aurait eu environ 2 600 morts.