La hausse du dollar en retour constituerait pour les marchés d’actions d’une montée de l’aversion au risque. / Jacques Loic / Photononstop

Sur les quatre premiers mois de l’année, les marchés d’actions se sont remis de leur frayeur de 2018, la menace s’éloignant qu’une collision entre ralentissement économique et resserrement monétaire précipite le monde en récession. La Réserve fédérale américaine (Fed, banque centrale) y a mis du sien, en annonçant dans l’urgence, dès janvier, renoncer à son programme de durcissement monétaire ; la Chine également, en présentant un nouveau plan de stimulus budgétaire, susceptible de profiter d’ailleurs en partie aux exportateurs européens. Le coup est cependant passé très près. C’est dans ce contexte qu’il faut juger de l’impact que pourraient avoir les tensions commerciales sino-américaines sur la croissance, les marchés d’actions et les monnaies.

Pour commencer par la croissance, celle-ci peine d’ores et déjà à faire beaucoup mieux en Chine que se stabiliser, après le ralentissement de 2018. Il est vrai que le plan de soutien était relativement modeste dès sa conception, le pouvoir chinois étant réticent à recourir une nouvelle fois à une forte relance par le crédit, qui aggrave un niveau d’endettement déjà très élevé.

La politique économique de Donald Trump consiste à favoriser les investissements sur le territoire américain en augmentant leur rentabilité

L’approche très musclée adoptée par l’administration Trump menace donc, via l’imposition de droits de douane supplémentaires et l’augmentation de l’incertitude, de grever encore davantage la croissance chinoise. L’idée trumpienne est assez limpide : il s’agit d’encourager quiconque veut profiter de la demande américaine d’investir dans le pays, plutôt qu’y exporter. C’est bien l’objectif visé par une baisse du taux d’imposition des profits réalisés aux Etats-Unis, accompagnée de barrières douanières plus élevées.

Dit autrement, la politique économique de Donald Trump consiste à favoriser les investissements sur le territoire américain en augmentant la rentabilité absolue et relative de ces derniers. Il est d’ailleurs permis de suspecter que l’augmentation des tarifs douaniers imposés aux importations en provenance de la Chine constitue un objectif, plutôt qu’une simple arme de négociation pour aboutir à davantage de libre-échange. Car le trumpisme n’a jamais caché ses intentions : il vise à « aspirer » la croissance du reste du monde vers les Etats-Unis. C’est la véritable signification économique de « America first », et cela semble fonctionner pour l’instant.

Gagnants et perdants

Les échanges mondiaux doivent renoncer aux bienfaits supposés universels du libre-échange, au profit du jeu à somme nulle conçu par l’idéologie mercantiliste, constitué de gagnants et de perdants. Dans ce système, les Etats-Unis visent à l’accumulation de richesse, en dollars, comme la Chine des trente dernières années, et comme la France de Colbert accumulait l’or.

Un des problèmes du mercantilisme néanmoins, est qu’il repose sur l’exploitation sans retenue d’un rapport de force favorable, que Donald Trump entend bien exercer aujourd’hui, inévitablement générateur de fortes tensions avec les partenaires commerciaux (Au XVII° siècle, les conflits armés entre Angleterre, France et Hollande furent nombreux).

Si l’on exclut la voie des armes, quelle réponse radicale la Chine pourrait-elle opposer aux coups de boutoirs du département du commerce américain, si sa croissance économique venait à trop baisser, malgré ses efforts de soutien budgétaire ? Au-delà de représailles commerciales œil pour œil, un glissement de la monnaie chinoise pourrait s’enclencher.
Une baisse importante du renminbi contre le dollar rendrait de nouveau compétitives les exportations chinoises, exporterait la déflation vers les Etats-Unis et le reste du monde, et fragiliserait tous les concurrents, asiatiques comme européens.

La hausse du dollar en retour constituerait pour les marchés d’actions le signal d’une déstabilisation des monnaies, d’une baisse des perspectives de croissance globale, et d’une montée de l’aversion au risque.

Injecter des liquidités

Ce qui nous amène au volet monétaire. Dans un tel scénario, la Fed américaine serait-elle capable, fût-ce avec le renfort de quelques tweets du président des Etats-Unis, d’affaiblir le dollar rapidement en abaissant ses taux directeurs, voire en lançant un nouveau programme de rachats d’actifs, injectant ainsi de nouveau des liquidités dans le système avant qu’il ne se grippe ? Dans l’affirmative, les marchés financiers ne manqueraient pas de se réjouir de ce énième effort de « reflation », dont le monde émergent, structurellement avide de dollars, serait le premier bénéficiaire.

Ainsi, si l’administration Trump accepte rapidement de modérer sa pression sur la Chine, ou si la Fed s’avère très réactive en cas besoin, afin d’éviter que cette version XXIe siècle du mercantilisme de nos aïeux mène à un siphonnage des dollars vers les Etats-Unis, alors les marchés d’actions devraient pouvoir se stabiliser rapidement. Sinon, ils se mettront à craindre de nouveau une panne de la croissance économique globale.

L’évolution du cours du dollar nous donnera le sens de l’histoire.