A quelques semaines de la présentation en conseil des ministres de la future loi de bioéthique, un sondage IFOP pour l’Association des familles homoparentales (ADFH) éclaire l’état de l’opinion sur un sujet sensible : l’anonymat du donneur ou de la donneuse dont les gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes) sont utilisées lors des procréations médicalement assistées (PMA) faisant appel à un tiers.

Contrairement à ce qui est autorisé aujourd’hui, 75 % des Français interrogés se disent « personnellement favorables à ce que les enfants puissent accéder dorénavant à l’identité du donneur », selon ce sondage réalisé du 22 au 24 mai auprès de 2 000 personnes, et dont Le Monde présente les résultats en exclusivité. Parmi eux, 33 % estiment que cette information ne doit être accessible qu’à compter de la majorité des enfants concernés, comme c’est le cas dans un certain nombre de pays européens.

« Nous souhaitons que la révision des lois de bioéthique soit l’occasion de renouveler le dispositif actuel entourant les enfants issus de dons, afin de leur permettre de se construire sur la réalité et non à partir d’une case vide », plaide Alexandre Urwicz, président de l’ADFH, en mettant en avant « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

Mesure phare

A l’heure actuelle, moins de 4 % des naissances consécutives à l’utilisation de ces techniques en France font intervenir un tiers donneur, selon l’Agence de la biomédecine. Mais ce pourcentage augmentera avec l’entrée en vigueur de la mesure phare du futur texte de loi, qui consiste à étendre à toutes les femmes (en couple lesbien et seules) l’accès à la PMA, jusqu’à présent réservée aux couples hétérosexuels confrontés à des problèmes d’infertilité ou à des risques de transmission de maladie génétique.

Depuis plusieurs années, des associations regroupant des adultes conçus par PMA avec tiers donneur s’élèvent contre le principe d’anonymat absolu du don de gamètes, imaginé sur le modèle du don du sang, et consacré depuis les premières lois de bioéthique, en 1994. Elles revendiquent le droit d’accéder à l’âge adulte à des informations sur leurs origines, comme l’explique la pétition initiée par l’association PMAnonyme, avec le soutien d’environ 250 signataires, publiée dans Le Monde.

« C’est un sujet qui illustre bien les tensions liées aux grands sujets de bioéthique », considère Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), soulignant que « tout ça est en train d’être balayé par les évolutions technologiques et la constitution de grandes bases de données génomiques et sociétales qui permettent d’avoir accès à ses origines ». Dans son avis présenté en septembre 2018, le CCNE avait d’ailleurs pris position en faveur de la levée de l’anonymat.

Une partie des professionnels de santé intervenant dans les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme, qui recueillent et conservent les gamètes et accompagnent les couples infertiles, y demeurent cependant attachés. Ils mettent en avant le risque de pénurie des dons qu’entraînerait un tel changement.

Le sondage IFOP pour l’ADFH esquisse une piste pour répondre à cet argument en interrogeant aussi les Français sur le « don dirigé ». Cette pratique, qui a notamment cours en Belgique, permet de se rendre dans un centre avec un donneur de son entourage pour recevoir ses gamètes. Plus de la moitié (53 %) des personnes interrogées se disent prêtes à faire cette démarche si elle était autorisée en France, la question posée précisant bien qu’aucune filiation ne serait créée entre l’adulte donneur et le futur enfant.