Culture du sorgho au Zimbabwe, en mars 2019. / JEKESAI NJIKIZANA / AFP

Cette année, Ferenc Kardos a semé 300 hectares de sorgho à la place du maïs. De la grande plaine hongroise où il habite jusqu’au sud-ouest de la France, cette céréale des pays chauds prend racine dans les champs européens.

« En maïs, nous avons eu des pertes trois ans sur cinq en raison de la sécheresse », explique à l’AFP M. Kardos, chef de culture dans une exploitation sans irrigation de 3 000 hectares au sud de la Hongrie. L’immense bassin des Carpates, de plus en plus exposé à des températures extrêmes, cherche à adapter ses cultures au réchauffement climatique. « Si nous devons perdre de l’argent, autant en perdre avec quelque chose qu’on ne connaît pas bien, et on verra ce qui arrive, explique ce technicien. Le maïs, nous en connaissons les risques désormais. »

Le sorgho est la cinquième céréale mondiale derrière le maïs, le riz, le blé et l’orge. Domestiqué il y a plusieurs millénaires dans le Sahel, de la même famille que le mil ou le millet, il consomme 30 % moins d’eau que le maïs et résiste mieux aux sécheresses. Peu exigeante en engrais grâce à son aptitude à puiser l’azote du sol via un réseau racinaire profond et très développé, la plante remplit ses panicules de grains même sous des températures élevées.

Cultivé depuis l’après-guerre

Le sorgho est loin d’être inconnu en Europe où il est cultivé depuis l’après-guerre, mais à 99 % pour l’alimentation animale. Alors qu’en Afrique et dans les régions les plus pauvres du monde, il est l’une des principales denrées alimentaires, sous forme de farine, de semoule ou même de bière, selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. En Afrique, le Nigeria et le Soudan sont les principaux pays producteurs. L’Union européenne n’en produit que 750 000 tonnes par an, sur quelque 60 millions de tonnes récoltées sur la planète.

Depuis quelques années, « il y a une tendance au développement du sorgho en Europe » alors que les surfaces avaient baissé depuis la fin des années 1980, le sorgho ayant été très peu soutenu par la réforme de la politique agricole commune (PAC) en 1992, note Charles-Antoine Courtois, de la Fédération française des producteurs de semences de maïs et de sorgho (FNPSMS), membre de l’interprofession européenne Sorghum ID. Depuis 2017, le sorgho bénéficie d’une campagne de promotion financée par la Commission européenne pour développer sa production.

Outre l’adaptation climatique, les agriculteurs intéressés souhaitent diversifier les rotations de leurs cultures pour préserver ou nourrir des sols épuisés par des cultures intensives de maïs, de tournesol ou de colza. « On aurait pu augmenter encore plus les surfaces en Europe, mais il y a un manque général de semences », note M. Courtois. « On manque de semences en Russie, en France, en Hongrie », précise-t-il, soulignant que davantage d’agriculteurs doivent participer dans ces pays à la multiplication de semences.

De l’Occitanie aux Vosges

En Hongrie, la récolte de maïs a été très mauvaise il y a deux ans, et la prise de conscience des agriculteurs s’est faite à ce moment-là, pour « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier », ajoute M. Courtois. Dans ce pays, les surfaces étaient descendues à 10 000 hectares, alors que le sorgho couvrait jusqu’à 200 000 hectares il y a trente ans, selon Ferenc Farkas, directeur pour la Hongrie de la coopérative française Euralis.

Sa concurrente française Axereal, qui a des activités de malterie en Hongrie et en Croatie, vient d’ouvrir une filière de collecte de sorgho en utilisant un silo près du Danube. Le sorgho se cultive aussi en Bulgarie et en Italie.

En France, on le trouve surtout dans la région Occitanie (sud-ouest), aussi bien pour le sorgho grain que pour le sorgho fourrager. Mais il se développe aussi plus au nord, près de la Loire, indique l’institut technique Arvalis. Cette céréale garantie sans gluten se trouve même dans les Vosges, où les éleveurs confrontés à la sécheresse ont du mal à nourrir leur bétail. La France reste un petit producteur (326 000 tonnes en 2018), mais l’un des premiers de l’Union européenne avec l’Italie. L’an dernier, il a été produit par 8 000 agriculteurs sur 60 000 hectares.