La section aliments bio dans un supermarché Auchan, à Nice, en 2016. / Eric Gaillard / REUTERS

A force de grignoter des parts de marché, la grande distribution parvient désormais à croquer la moitié du gâteau de l’alimentation bio. Ou presque. Selon les données publiées mardi 4 juin par l’Agence Bio, les grandes enseignes se sont arrogé 49 % des ventes des produits estampillés de la feuille blanche sur fond vert en 2018. Soit un total de 4,75 milliards d’euros, en progression de 22,6 % en un an.

« Avec la grande distribution, qui détient près de la moitié du marché du bio, il y a une vraie bascule qui s’opère. C’est elle qui a tiré la croissance en 2018 », affirme Florent Guhl, directeur de l’Agence Bio. Ce coup d’accélérateur doit beaucoup à la stratégie des enseignes désireuses de profiter de ce pactole très lucratif et soucieuses de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Et elles ne souhaitent pas en rester là. A l’exemple de Carrefour, qui s’est fixé un objectif de chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros dans le bio en 2022, contre 1,8 milliard en 2018. Ou de Leclerc, qui anticipe un doublement de ses ventes sur ce secteur en cinq ans.

Marques propres et marques nationales

Pour ce faire, elles ont étoffé leur offre. D’abord dans leurs réseaux traditionnels. Que ce soit en ajoutant des références bio dans les rayons traditionnels ou en créant des zones bio spécifiques dans leur magasin. Les magasins de proximité représentent 11 % des ventes bio des enseignes, et le drive 9 %.

Pour cet achalandage, la grande distribution mise sur ses marques propres mais aussi sur les marques nationales. En effet, les grands groupes agroalimentaires se décident à décliner leurs marques en bio. Danone s’y était engagé en 2018. De même pour PepsiCo, qui propose quelques références de jus Tropicana bio. « Cela représente aujourd’hui entre 5 % et 10 % de nos ventes. Mais la demande croît plus vite que l’offre et le problème reste pour nous l’approvisionnement », affirme Bruno Thévenin, directeur général de PepsiCo France. Une même difficulté évoquée par Lavazza, qui commercialise le café Carte noire en version bio.

Dans le secteur laitier, la matière première ne manque pas et Biolait, qui collecte auprès de nombreux agriculteurs bio, fait figure de partenaire de choix pour les entreprises qui n’ont pas accompagné jusqu’à présent leurs propres éleveurs dans la conversion. Il a signé avec Danone, Bel, mais aussi avec Super U pour ses produits à marque propre.

Des groupes misent sur de nouvelles marques pour entrer à pas feutrés sur ce marché

D’autres grands groupes misent sur de nouvelles marques pour entrer à pas feutrés sur le marché des produits respectueux de l’environnement. Ainsi Coca-Cola communique sur sa boisson au thé Honest, qu’elle a achetée aux Etats-Unis, sans que le nom de la firme d’Atlanta apparaisse dans ses publicités.

Les petits commerces ferment

Face à ce rouleau compresseur, les magasins spécialisés perdent un peu de terrain, même s’ils bénéficient encore d’une bonne croissance. Ils représentent 34 % du marché. Le premier d’entre eux, en taille, reste le réseau Biocoop, qui a terminé l’année 2018 avec un chiffre d’affaires de 1,21 milliard d’euros (+ 11 %). Une hausse comparable à celle de La Vie claire, dont les ventes ont atteint 300 millions d’euros. Biocoop, comme La Vie claire, détenue pour sa part par la famille Pelen, fait partie des rares acteurs encore indépendants des enseignes traditionnelles. En effet, la grande distribution a aussi placé ses pions sur ces réseaux de distribution : Naturalia a été racheté par Monoprix, filiale du groupe Casino ; Intermarché est entré au capital des Comptoirs de la bio et Carrefour a jeté son dévolu sur l’enseigne So.bio, du sud-ouest de la France. Sans compter les réseaux de magasins spécialisés que souhaitent lancer les enseignes sous leur propre nom.

Les plus touchés par cette vague des grands réseaux sont, en fait, les petits commerces spécialisés indépendants. Beaucoup mettent la clé sous la porte. D’ailleurs, le chiffre d’affaires global de ces acteurs ne progresse plus. A l’inverse, le circuit court maintient ses positions. La vente directe représente toujours 12 % des achats alimentaires bio. Une manière pour le consommateur le plus exigeant de concilier le bio et le local et de s’assurer que la marge va bien dans la poche de l’agriculteur.

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