Une des églises de Lalibela, principal site touristique d’Ethiopie, en janvier 2018. / Tiksa Negeri / REUTERS

Une instance religieuse œcuménique éthiopienne a appelé le gouvernement, lundi 3 juin, à empêcher une agence de voyages américaine dédiée à la communauté LGBT d’organiser un circuit touristique dans le pays, au motif que l’homosexualité est un acte « immoral ».

« Les circuits [touristiques] ou les programmes de rencontres qui tentent d’utiliser nos sites historiques et notre héritage devraient être immédiatement stoppés par le gouvernement éthiopien et nous encourageons les Ethiopiens qui soutiennent ces actes immoraux et malfaisants à s’en détacher », a déclaré Tagay Tadele, secrétaire général du Conseil interreligieux d’Ethiopie, lors d’une conférence de presse à Addis-Abeba. Ce conseil regroupe l’Eglise orthodoxe, la plus importante du pays, l’Eglise catholique, l’Eglise adventiste du septième jour, diverses églises d’obédience évangélique et le Conseil suprême éthiopien des affaires islamiques.

« Le gouvernement éthiopien devrait prêter toute son attention à cette question et jouer son rôle en protégeant la jeune génération de pratiques immorales, contraires aux valeurs éthiopiennes et à la religion », a ajouté M. Tagay. Il n’a pas fait directement référence à l’agence de voyages visée. Mais selon un influent groupe religieux affilié à l’Eglise orthodoxe, la Sileste Mihret United Association (SMUA), il s’agit de la compagnie américaine Toto Tours.

Menaces de mort

L’agence, installée à Chicago, explique sur son site Internet servir la communauté LGBT depuis 1990. Elle propose un circuit de seize jours en Ethiopie, du 25 octobre au 9 novembre, qui passera par les principaux sites touristiques du pays, dont les églises rupestres de Lalibela. Cette initiative a déclenché une vive hostilité en Ethiopie, où les actes homosexuels sont passibles d’une peine de prison de quinze ans, et a même valu des menaces à Toto Tours. « L’homosexualité est haïe et illégale en Ethiopie. Toto Tours a tort de prévoir des circuits sur nos sites religieux et historiques », a déclaré à l’AFP Dereje Negash, vice-président de la SMUA, qui a également lancé des menaces contre le tour-opérateur.

Dan Ware, le patron de Toto Tours, a déploré dans une réponse écrite à l’AFP que sa compagnie soit « terriblement incomprise ». Toto Tours « n’a pas pour vocation de répandre des valeurs contraires aux cultures locales », a-t-il souligné : « Nous sommes juste une organisation avec laquelle les personnes partageant les mêmes aspirations peuvent voyager ensemble confortablement. » Il a expliqué avoir fait la publicité du circuit sur les réseaux sociaux, déclenchant en retour une « énorme campagne contre nous, dont des menaces de mort ». Il a demandé la protection du département d’Etat américain et du ministère éthiopien du tourisme. Pour M. Ware, cette campagne tient d’une « discrimination terrible » qui pourrait avoir un « impact négatif sur l’industrie du tourisme en Ethiopie ».

Vingt-huit pays sur 49 en Afrique subsaharienne ont des lois pénalisant les relations homosexuelles, selon Human Rights Watch.

L’Afrique, un continent homophobe ?
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