Hans-Joachim Eckert, le 21 décembre 2015. / AFP/Christof Stache

Elu à la présidence de la Fédération internationale de football (FIFA) en 2016, le Suisse Gianni Infantino avait promis de redorer l’image de l’instance, minée par une litanie d’affaires de corruption sous le règne de son prédécesseur Sepp Blatter (1998-2015). Mercredi 5 juin, à Paris, M. Infantino sera l’unique candidat à sa succession, lors du 69e congrès de la FIFA.

Ancien président de la chambre de jugement du comité d’éthique de la FIFA (2013-2017), dont le mandat n’a pas été renouvelé par les élus de la Fédération, l’Allemand Hans-Joachim Eckert fait part au Monde de ses doutes en ce qui concerne le souci de « transparence » du patron du football mondial.

La présidence de Gianni Infantino rompt-elle avec les pratiques du passé ?

A la FIFA, je ne peux déceler aucune des améliorations promises. Le comité d’éthique n’est plus du tout indépendant, le secrétariat est sous contrôle. Ce seul élément signifie qu’il n’est plus garanti que le comité d’éthique puisse décider librement, sans interférences, en ce qui concerne les enquêtes sur les mauvaises conduites.

Avec le nouveau règlement, les employés ne sont plus autorisés à dire la moindre chose négative à propos de la FIFA. Il n’est pas clairement établi si et comment les employés peuvent rapporter de mauvaises conduites. La transparence annoncée dans tous les domaines n’est pas évidente. A titre d’exemple, Gianni Infantino continue de refuser de donner le nom des donateurs pour ses plans de restructuration de la FIFA. Et ce, même devant son « conseil ».

Nous [le comité d’éthique] souhaitions renforcer les droits pour les femmes, avoir des structures claires sur le plan financier, nous voulions avoir un œil sur le dopage, une pleine transparence pour tout, ainsi qu’une séparation claire entre la fonction de président et celle de secrétaire général.

Quel regard portez-vous sur le premier mandat de M. Infantino sur le plan de l’éthique ?

Le simple fait que l’actuel président de la chambre de jugement du comité d’éthique (le Grec Vassilios Skouris) ait envoyé le nouveau code éthique de 2018 à Gianni Infantino pour une révision avant qu’il soit adopté, et que M. Infantino ait inclut une série de commentaires et de modifications, démontre que la stricte séparation des pouvoirs entre la FIFA, son président et le comité d’éthique n’existe plus. En vérité, la définition des règles du code éthique relève de la seule responsabilité du comité d’éthique.

Le comité d’éthique de la FIFA devrait-il ouvrir une enquête sur la troisième rencontre secrète de juin 2017 entre M. Infantino et Michael Lauber, le procureur général de la Confédération suisse en charge des enquêtes du « FIFAgate » ?

J’ignore si la chambre d’instruction a ouvert une enquête contre M. Infantino. Le comité d’éthique n’est pas très actif dans sa communication avec les médias. Je pense toutefois qu’une enquête a pu être ouverte.

A vrai dire, il serait nécessaire d’examiner qui a effectué les paiements faits pour les billets, les vols, les hôtels pour Rinaldo Arnold (premier procureur du Haut-Valais, ami d’enfance de M. Infantino, qui a servi d’intermédiaire pour ces rencontres avec M. Lauber) dans le contexte des rencontres entre M. Infantino et le procureur fédéral Lauber. Si ces activités étaient purement privées, M. Infantino aurait dû payer lui-même. Si les rencontres étaient purement privées et que la FIFA a payé, comme cela est rapporté aujourd’hui, il serait nécessaire d’examiner s’il y a eu un usage inapproprié des fonds par la FIFA.

Dans tous les cas, il est nécessaire d’être actif ; autrement, cela ne serait pas conforme à la transparence promise par M. Infantino lors de son élection à la FIFA.

Le comité d’éthique de la FIFA était-il plus indépendant sous le règne de Sepp Blatter (1998-2015), le prédécesseur de Gianni Infantino ?

Le comité d’éthique était totalement indépendant. Il n’y avait aucune tentative de pression, d’interférence, ou d’influence. Nous pouvions travailler en toute liberté. M. Blatter encourageait le comité d’éthique dans son travail.