François Compaoré à Ouagadougou, en décembre 2012. / AHMED OUOBA / AFP

La Cour de cassation a validé mardi 4 juin l’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso, où ce frère de l’ancien président déchu est mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat en 1998 du journaliste Norbert Zongo, une décision qui nécessite encore un décret du gouvernement français pour être effective.

La plus haute juridiction judiciaire a rejeté le pourvoi du frère cadet de Blaise Compaoré, chassé par la rue après vingt-sept ans au pouvoir fin octobre 2014. Elle a aussi refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par sa défense contre les textes régissant l’extradition.

« Ce sont deux décisions très sommaires qui ne sont pas du tout à la mesure des moyens que nous avons présentés », a réagi auprès de l’AFP Me François-Henri Briard, avocat de M. Compaoré. Il a indiqué qu’« à supposer qu’un décret soit effectivement signé par le gouvernement français », il l’attaquerait devant le Conseil d’Etat. « On a perdu une bataille, mais pas encore perdu la guerre. M. Compaoré n’est pas encore extradé », a-t-il insisté.

Un dossier rouvert en 2014

Le 5 décembre 2018, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait autorisé l’extradition de M. Compaoré vers Ouagadougou, où le dossier Zongo, classé en 2003 après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de Blaise Compaoré.

Journaliste d’investigation reconnu et directeur de l’hebdomadaire L’Indépendant, Norbert Zongo avait été assassiné le 13 décembre 1998, alors qu’il enquêtait sur le meurtre du chauffeur de François Compaoré. Sa mort avait provoqué une profonde crise politique au « pays des hommes intègres ». Le journaliste, âgé de 49 ans, auteur de plusieurs enquêtes retentissantes dénonçant une mauvaise gouvernance sous le régime Compaoré, avait été tué avec trois de ses compagnons. Les quatre dépouilles avaient été retrouvées calcinées dans le sud du Burkina Faso.

Agé de 64 ans, François Compaoré avait été arrêté à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle en octobre 2017, en exécution d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de Ouagadougou. Mais à ce jour, il n’est pas inculpé dans son pays, à la différence de trois anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré.

Une forte charge symbolique

Dans son arrêt, la Cour de cassation a notamment estimé que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait demandé aux autorités burkinabées « divers éléments complémentaires », afin de savoir si M. Compaoré bénéficierait des « garanties fondamentales de procédure, des droits de la défense et d’un procès équitable », et de fait « justifié, sans insuffisance ni contradiction, sa décision ».

La chambre de l’instruction a par ailleurs « examiné les engagements » de Ouagadougou garantissant que M. Compaoré ne serait pas soumis « à un traitement inhumain et dégradant, notamment en cas d’incarcération et d’exécution d’une peine d’emprisonnement à vie », a aussi souligné la Cour dans sa décision.

Alors que Me Briard avait, lors de l’examen du pourvoi, estimé que cette demande d’extradition était une « voie facile de vengeance » pour diriger « des poursuites vers le frère » de Blaise Compaoré, la Cour a observé que François Compaoré était « lui-même impliqué dans la vie politique » et jugé que cette requête apparaissait « comme un acte s’inscrivant dans une procédure d’instruction ayant pour objet des faits de nature criminelle de droit commun ».

Comme l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara en 1987, le meurtre de M. Zongo garde une forte charge symbolique au Burkina Faso, où chaque année, le 13 décembre, des milliers de Burkinabés se rassemblent pour demander justice pour l’assassinat du journaliste.

Burkina Faso : François Compaoré devant la justice française
Durée : 02:22