Des heurts en marge de la manifestation de « gilets jaunes » à Marseille, le 8 décembre 2018. / BORIS HORVAT / AFP

Le 8 décembre, à Marseille, un adolescent de 14 ans est blessé par un tir de lanceur de balles de défense (LBD) derrière la tête en marge d’une manifestation de « gilets jaunes ». Selon le site d’information Mediapart, le procureur de la République de Marseille vient d’ouvrir une enquête préliminaire pour « violences volontaires aggravées par personne dépositaire de l’autorité publique », confiée à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Elle vient s’ajouter à une autre enquête sur des violences policières commises le même jour sur une jeune femme de 19 ans, qui avait été rouée de coups par des membres des forces de l’ordre.

Ce samedi 8 décembre, en fin d’après-midi, l’acte IV des « gilets jaunes » et la mobilisation contre les logements insalubres à Marseille se terminent par des heurts entre manifestants et forces de l’ordre dans le centre-ville. C’est le moment où l’adolescent de 14 ans rentre chez lui, accompagné de sa grande sœur. Cette dernière raconte à Mediapart que plusieurs policiers sont arrivés, certains en civil, d’autres en uniforme. Par peur et pour protéger sa sœur, Kamel ramasse un trognon de pomme par terre et le jette vers les policiers « sans atteindre personne ».

Alors que le jeune garçon poursuit sa route, il est atteint en pleine tête et de dos par un tir de LBD. Conduit aux urgences pédiatriques pour un traumatisme cranio-cervical et une fracture du crâne, il lui a été délivré une incapacité temporaire totale de vingt et un jours, sous réserve de complications, selon Mediapart. Le constat médical fait également état de troubles post-traumatiques, « un état anxieux persistant, avec cauchemars, une apathie et des insomnies avec une perte de 3 kilos », nécessitant un suivi par un pédopsychiatre. Le garçon ne sort plus de chez lui et a dû interrompre sa scolarité durant deux mois.

Refus d’enregistrer la plainte

Lorsque sa grande sœur entreprend de déposer plainte, elle se trouve confrontée à un refus du commissariat d’enregistrer sa plainte. « Ils m’ont affirmé d’abord qu’il s’agissait d’un gendarme et non d’un policier, et ils m’ont dit qu’ils ne prenaient pas ma plainte sans rien me préciser de plus », explique-t-elle au site d’information. Elle a finalement dû prendre attache auprès d’un avocat et constituer le dossier pour son petit frère.

Maria, 19 ans, elle aussi, a mis du temps à déposer plainte, après les violences qu’elle a subies ce 8 décembre à Marseille. Après un signalement effectué sur le site de l’IGPN, on lui a assuré dans un commissariat marseillais que cette démarche sur Internet suffisait. Ce jour-là, la jeune vendeuse venait de sortir de son travail et rentrait chez elle lorsqu’un tir de LBD l’atteint à la cuisse. Selon des témoins, la jeune femme tombe à terre, avant d’être rouée de coups par des membres des forces de l’ordre.

Sur une vidéo filmée par des riverains, on distingue une douzaine de CRS en tenue de maintien de l’ordre et de fonctionnaires en jean et blouson, porteurs d’un brassard de la police, abattre une pluie de coups de pied et de matraque sur la silhouette allongée au sol, près de la Canebière. Maria sera hospitalisée quinze jours. Une image publiée par Mediapart montre son crâne balafré d’une longue blessure recousue par plus d’une vingtaine d’agrafes. Dans leurs certificats médicaux, les médecins décrivent un scalp d’une partie du cuir chevelu et un hématome sous-dural.

Son avocat, Me Brice Grazzini – qui est aussi celui de l’adolescent – évoque une tentative d’homicide volontaire. Il dénonce aussi des faits de non-obstacle à la commission d’une infraction et non-assistance à personne en danger : « Aucun agent des forces de l’ordre présents ne s’est interposé pour faire cesser ces infractions, explique-t-il. Au contraire, deux policiers ont réalisé un périmètre de sécurité devant leurs collègues qui commettaient des violences afin que personne ne puisse secourir la victime. »

Dans Mediapart, l’avocat interpelle sur le fait que les violences contre Maria ont été commises dans le même temps et à proximité de celles commises contre l’adolescent. « Il est donc aisé de s’interroger sur la possibilité que les policiers qui ont tiré sur [lui] soient les mêmes que ceux qui ont attaqué Maria », souligne-t-il. C’est une question à laquelle l’enquête préliminaire devra répondre.

Violences policières : les images décryptées
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