De gauche à droite : le chef de la fédération SPD de la Hesse, Thorsten Schäfer-Gümbel, les ministres-présidentes des Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Manuela Schwesig, et de Rhénanie-Palatinat, Malu Dreyer. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Après la démission de sa présidente, Andrea Nahles, dimanche 2 juin, le Parti social-démocrate allemand (SPD) se réorganise. A la tête du parti, en pleine crise après sa débâcle historique aux élections européennes (15,8 % des voix), où le SPD a été devancé pour la première fois par les Verts à l’échelle nationale, trois membres ont été chargés, lundi, d’assurer une direction provisoire jusqu’à l’élection d’un nouveau président. Ce trio est composé des ministres-présidentes des Länder de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale et de Rhénanie-Palatinat, Manuela Schwesig et Malu Dreyer, et du chef de la fédération SPD de la Hesse, Thorsten Schäfer-Gümbel.

Les trois dirigeants, qui ont assuré qu’ils ne seraient pas candidats à la présidence du parti, se réuniront le 24 juin pour fixer le calendrier des prochains mois. En plus d’organiser un congrès anticipé – peut-être dès septembre – pour pourvoir le poste laissé vacant par Mme Nahles, le SPD doit déterminer la procédure précise de la « clause de révision » qui figure dans le « contrat de coalition » signé en février 2018, et qui prévoit qu’un bilan du travail gouvernemental doit être fait au mitan de la législature.

Imposé par l’aile gauche du parti au moment des négociations entreprises début 2018 avec l’Union chrétienne-démocrate et l’Union chrétienne sociale (CDU-CSU), ce moment pourrait être celui du départ des sociaux-démocrates de la « grande coalition ». Aucune date précise n’a pour l’instant été fixée, mais la logique voudrait que ce bilan à mi-parcours survienne après les trois élections régionales prévues en ex-Allemagne de l’Est au second semestre, le 1er septembre en Saxe et dans le Brandebourg, et le 27 octobre en Thuringe.

Discorde sur la taxation du CO2

D’ici là, le SPD compte accentuer sa pression sur Angela Merkel et la CDU-CSU pour que deux réformes emblématiques soient mises en œuvre rapidement par le gouvernement : la loi sur la protection du climat, de la ministre de l’environnement, Svenja Schulze (SPD), et celle introduisant la « retraite de base », promue par le ministre du travail et des affaires sociales, Hubertus Heil (SPD).

Ces deux réformes sont au cœur des tensions entre les sociaux-démocrates et les conservateurs. « Depuis février, j’attends un soutien des conservateurs pour notre projet de loi sur la protection du climat. La CDU-CSU s’est jusqu’à présent contentée de dire ce contre quoi elle était. Maintenant il est temps de passer à l’étape suivante », s’est agacée Mme Schulze, lundi 27 mai, au lendemain des élections européennes. « Le SPD perd visiblement ses nerfs, ce qui, au vu du résultat des élections, n’est pas une surprise », a réagi le conservateur bavarois Georg Nüsslein, vice-président du groupe CDU-CSU du Bundestag. Principal sujet de discorde : la taxation du CO2, dont la plupart des conservateurs ne veulent pas entendre parler.

Concernant la « retraite de base », qui vise à revaloriser les pensions des travailleurs les plus pauvres et pourrait concerner trois à quatre millions de personnes, le projet oppose depuis des mois les sociaux-démocrates aux conservateurs, ces derniers fustigeant le coût, exorbitant selon ces derniers, d’une mesure estimée à environ 4 milliards d’euros par an.

L’hypothèse d’une présidence bicéphale

Pour le SPD, l’avenir de la coalition dépend maintenant du sort que la CDU-CSU réservera à ces deux réformes. « La survie de la coalition au-delà du bilan de mi-parcours repose sur le fait de savoir si les conservateurs sont prêts à mettre en œuvre les choses qui ont été décidées et arrêtées », a déclaré Lars Klingbeil, le secrétaire général du SPD, mardi. « Si ça échoue, ce ne sera pas de la faute du SPD. La balle est dans le camp des conservateurs », a-t-il ajouté. Dimanche, après la démission de Mme Nahles, plusieurs responsables de la CDU, dont Angela Merkel, sont intervenus publiquement pour dire qu’ils souhaitaient la poursuite de la « grande coalition ».

A la question de savoir qui succédera à Mme Nahles, il est encore trop tôt pour répondre. Plusieurs responsables du parti n’excluent pas une présidence bicéphale, ainsi qu’en ont déjà d’autres formations politiques en Allemagne, comme les Verts et Die Linke (gauche radicale). Aucun candidat ne s’est déclaré pour l’instant. Régulièrement cité ces derniers mois comme possible successeur de Mme Nahles, le ministre des finances et vice-chancelier Olaf Scholz a assuré, dimanche soir, sur la chaîne ARD, qu’il n’était pas intéressé par le poste.

Selon un sondage Civey réalisé pour le Spiegel, les 2 et 3 juin, auprès de 5 027 personnes, 57 % des Allemands en âge de voter souhaitent la fin de la « grande coalition » au pouvoir depuis mars 2018. Parmi les sympathisants SPD, 65 % sont de cet avis. Parmi ceux de la CDU-CSU, en revanche, seuls 25 % souhaitent la chute du gouvernement de Mme Merkel.