Scène de la vie parisienne. Un mercredi après-midi, un chauffeur de bus arrive à l’arrêt Péclet, dans le 15e arrondissement, avec… trente-cinq minutes de retard. Les voyageurs qui patientaient l’interrogent : que s’est-il passé ? « Il y a des travaux partout ! », répond-il, agacé. « Nous comprenons votre mécontentement », appuie la RATP, apostrophée sur Twitter. Mais du fait des travaux, « il n’est pas facile de circuler avec une voiture, et c’est encore plus difficile avec un bus ». Tant pis pour la ponctualité promise.

Des palissades, des barrières, des grues, des pelleteuses… Plus de 6 000 chantiers sont en cours à Paris, et pas moins de 290 d’entre eux perturbent actuellement la circulation sur les axes principaux. Intra-muros, une ligne de bus sur deux est déviée à un moment ou à un autre de son parcours. De quoi susciter la grogne de nombreux Parisiens. Notamment des commerçants, qui s’énervent des livraisons devenues très difficiles, par exemple rue de Rivoli.

Le réalisateur Jean-Pierre Jeunet peste, lui aussi. « Il est devenu très difficile de tourner à Paris, car il y a des chantiers partout », a-t-il déclaré, début mai, au site Indian Wire, pour écarter l’idée de donner une suite au Fabuleux destin d’Amélie Poulain. « Paris est devenue moche », a-t-il ajouté, cinglant.

« Vers une ville plus verte »

Mis en cause par l’opposition, la maire, Anne Hidalgo, et ses adjoints reconnaissent que Paris est en travaux comme jamais depuis longtemps. Et qu’ils ont une part de responsabilité, tout à fait assumée. A Paris comme ailleurs, 2019 est la dernière année du mandat de l’équipe arrivée en 2014. C’est donc celle où les grands travaux lancés dans la foulée de l’élection doivent s’achever. Celle où l’on coupe des rubans, en souriant pour être réélu.

Ces prochains mois, Anne Hidalgo compte multiplier les inaugurations : le nouveau plateau piétonnier des Halles en septembre, les places rénovées de la Bastille en novembre, de la Nation en décembre, et la promenade urbaine Barbès-Stalingrad le même mois. Sans oublier de nombreuses pistes cyclables. « On réalise ce qui était prévu dans notre programme pour aller vers une ville plus verte », plaide l’écologiste David Belliard, membre de la majorité au Conseil de Paris.

Le calendrier s’annonce cependant tendu. Les manifestations à répétition des « gilets jaunes » obligent en effet à retirer des engins et des barrières chaque vendredi, ce qui provoque des retards et des chevauchements de travaux qui n’étaient pas prévus.

Activité soutenue

Ce pic politique ne concerne que 7 % des chantiers, ceux – en général les plus lourds – décidés par la Mairie. En réalité, la majorité des travaux visibles dans les rues de Paris restent liés à l’électricité, au gaz et au chauffage (36 % du total), et surtout, pour 57 %, aux particuliers et aux entreprises classiques, qu’il s’agisse de ravaler une façade, de rénover la devanture d’une boutique, etc. Or, là aussi, l’activité se révèle soutenue : 11 974 permis d’urbanisme ont été accordés en 2018, soit 6 % de plus qu’en 2017, et 18 % de plus qu’en 2014.

La conjonction de tous ces travaux dans une ville déjà très dense fait donc grincer des dents. « Il y a sans aucun doute un besoin de rénover, de réhabiliter, de mettre aux normes, d’embellir, reconnaît Pierre-Yves Bournazel, élu (Agir) du 18arrondissement et candidat aux municipales de 2020, dans son livre Revoir Paris (Fayard, 288 p., 19 €). Mais n’y a-t-il pas une façon harmonieuse et coordonnée d’organiser de tels chantiers ? » Une question sans réponse à ce stade.