Une femme chargée d’escorter les personnes se rendant au Planning familial à St Louis, dans le Missouri, le 4 juin. / Michael B. Thomas / AFP

Nouvelle victoire aux Etats-Unis pour les militants anti-IVG. Le gouvernement de Donald Trump a annoncé, mercredi 5 juin, qu’il mettait fin à toute recherche médicale dans les centres fédéraux sur les tissus prélevés sur des fœtus avortés.

Le département de la santé a annoncé dans un communiqué que plus aucun chercheur des Instituts nationaux de santé (NIH) ne pourrait travailler sur ce type de tissus. « Promouvoir la dignité de la vie humaine de la conception jusqu’à la mort naturelle est l’une des premières priorités de l’administration du président Trump », a fait valoir le ministère.

En outre, l’administration a indiqué qu’elle ne renouvellerait pas le contrat de financement public, d’un montant de deux millions de dollars par an, avec l’université de Californie à San Francisco (UCSF) pour des travaux de recherche sur les tissus fœtaux. Ceux-ci sont utilisés pour développer de nouveaux traitements contre le VIH, le virus qui cause le sida.

« Les actions d’aujourd’hui mettent fin à un partenariat de 30 ans avec les NIH pour utiliser des modèles conçus spécialement et qui ne peuvent être développés que par le recours à des tissus fœtaux pour trouver une guérison au VIH », a réagi dans un communiqué au vitriol le chancelier de l’université.

Le centre universitaire utilise des souris dans lesquelles les chercheurs implantent ces cellules pour créer un système immunitaire proche de celui de l’homme et tester des anticorps potentiels contre le virus. Le dirigeant universitaire a dénoncé une « décision abrupte », « motivée politiquement, court-termiste et non fondée sur des faits scientifiques ».

Les tissus fœtaux sont aussi utilisés pour la recherche contre la maladie d’Alzheimer, les blessures de la moelle épinière et des maladies ophtalmiques, a-t-il rappelé.

« Marché pour des parties de bébés avortés »

L’administration républicaine avait lancé un audit sur ce sujet en septembre 2018 et depuis, le contrat avec l’université était sur la sellette, soumis à des extensions de 90 jours. Finalement l’extension actuelle, qui courait jusqu’à mercredi, n’a pas été renouvelée, une décision apparemment sans préavis.

Les projets de recherche financés par des fonds publics dans d’autres universités ou centres de recherche ne seront pas exclus systématiquement à l’avenir, mais seront désormais soumis à une nouvelle procédure impliquant un comité d’éthique consultatif.

La décision n’est pas une interdiction légale : la recherche privée pourra se poursuivre, tant qu’elle n’est pas cofinancée par des fonds publics.

Les opposants au droit à l’avortement ont salué le changement de politique. « La plupart des Américains refusent que leurs impôts créent un marché pour des parties de bébés avortés qui sont ensuite implantées dans des souris et utilisées pour des expérimentations », a affirmé l’organisation Marche pour la vie.

« L’Etat fédéral ne peut pas être complice de ces circuits horribles d’achat de tissus fœtaux issus de bébés avortés », a déclaré le sénateur républicain de Floride, Marco Rubio, ancien candidat à la Maison Blanche.

Mobiliser la base conservatrice

Mais pour de nombreux scientifiques, les tissus fœtaux sont essentiels pour les recherches de pointe et ils ont déjà permis de nombreuses avancées, notamment pour les vaccins contre la poliomyélite, la rubéole et la rage.

L’arrêt des financements publics « va anéantir des recherches cruciales, ralentir les traitements contre le cancer, le sida, la démence. Interdire le tissu fœtal, c’est interdire l’espoir pour des millions de gens qui souffrent de maladies invalidantes », a estimé sur Twitter Lawrence Gostin, professeur en droit de la santé à l’université Georgetown de Washington.

Environ 1,1 million de personnes vivent avec le VIH aux Etats-Unis, où le chiffre annuel des contaminations stagne depuis 2013 à environ 39 000 cas. Aucun vaccin n’a encore été trouvé, même si les traitements actuels parviennent à rendre la charge virale indétectable.

La décision du gouvernement Trump intervient après le vote dans plusieurs Etats conservateurs de lois très restrictives sur les interruptions volontaires de grossesse. L’objectif est de ramener cette question sensible devant la Cour suprême, qui avait légalisé l’avortement en 1973, en espérant un revirement de ses juges où les conservateurs ont désormais la majorité.

Donald Trump, un opposant déclaré à l’avortement, veut également mobiliser la base électorale conservatrice, opposée à l’IVG, alors qu’il briguera un second mandat en novembre 2020.