C’est un dispositif encore méconnu, mais qui a déjà rapporté gros à Bercy. Depuis deux ans, le principe des « aviseurs fiscaux » permet au fisc de rétribuer des informateurs qui portent à sa connaissance des affaires de fraude fiscale internationale. Adopté fin 2016 à titre expérimental, dans le sillage des révélations des « Panama Papers », le dispositif a été pérennisé à l’automne dernier, dans le cadre de la loi de lutte contre la fraude. Fin avril, un rapport du ministère de l’action et des comptes publics, révélé par Le Monde, chiffrait à plus de 95 millions d’euros les sommes en passe de revenir à l’Etat grâce aux renseignements fournis par deux aviseurs fiscaux – notamment une liste de plusieurs dizaines de personnes diposant d’actifs à l’étranger.

Les députés souhaitent désormais étendre le dispositif à la fraude à la TVA, l’un des domaines les plus complexes et les plus lucratifs de contournement de l’impôt, qui générerait 10 à 20 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat, a annoncé la députée socialiste Christine Pirès-Beaune, mercredi 5 juin, en présentant les conclusions d’une mission parlementaire d’évaluation du dispositif.

Rétribution fixée au cas par cas

« Le système des aviseurs fiscaux est aujourd’hui jugé indispensable par le fisc, tant les schémas de fraude se complexifient et évoluent en permanence. On est loin d’un système où chacun viendrait dénoncer son voisin », a défendu la députée, à l’origine de l’amendement sur les aviseurs en 2016. La pratique est courante à l’étranger, notamment en Allemagne, et Bercy réalise d’abord une enquête sur l’aviseur, a-t-elle rappelé.

Un satisfecit unanime à la commission des finances de l’Assemblée, puisque la mission d’information allait du parti Les Républicains (LR) au Parti communiste en passant par La République en marche et Libertés et territoires. Les députés ont également préconisé de renforcer la confidentialité des éléments permettant l’identification des aviseurs, de mieux protéger les agents publics traitant les dossiers, et de favoriser la coopération entre les investigations de la direction nationale d’enquêtes fiscales et le nouveau service d’enquêtes judiciaires créé à Bercy à l’automne dernier.

Seule une préconisation fait débat : la suppression du plafond applicable à l’indemnité versée aux aviseurs. Ajouté in extremis par Bercy lors de la promulgation du dispositif, début 2017, ce plafond d’un million d’euros n’avait pas été souhaité par Mme Pirès-Beaune.

« Nous sommes favorables au maintien du plafond, a indiqué Marie-Christine Dalloz (LR). Soit on instaure un barème et, à ce moment-là, on peut se passer d’un plafond. Soit il n’y a pas de barème, et il faut laisser un plafond. Un million d’euros, c’est déjà conséquent. » « C’est moins de 1 % des sommes aujourd’hui recouvrées par l’Etat. Si on fixait un barème, on serait rapidement sur des sommes inconsidérées les taux vont de 15 % à 30 % aux Etats-Unis par exemple. De plus, avec ce plafond, on risque de se priver de renseignements utiles », répond Mme Pirès-Beaune.

Aujourd’hui, la rétribution des informateurs – non communiquée, contrairement à ce que prévoyait la loi – est fixée au cas par cas par le fisc, en fonction de ce que rapporte l’affaire dénoncée, du risque pris par l’aviseur, ou de la complexité du schéma révélé. Les sommes qu’il est possible de recouvrer restent très difficiles à évaluer. Une trentaine d’affaires sont en cours d’instruction par le fisc. Les députés espèrent inscrire l’extension du dispositif à la TVA dans le budget 2020, Bercy y étant favorable.