Plus de 200 personnels des services d’urgence, en crise depuis bientôt trois mois, ont commencé à défiler jeudi 6 juin à Paris pour demander des hausses de salaires et plus d’effectifs notamment. Partis de la gare Montparnasse, les manifestants, dont certains brandissaient une pancarte « Soignants méprisés, patients en danger », répondaient à un appel du collectif Inter-Urgences soutenu par les syndicats CGT, SUD et FO et l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). Le cortège s’est mis en marche vers 14 heures en direction du ministère de la santé, où une délégation doit être reçue par le cabinet de la ministre de la santé, Agnès Buzyn.

Refondation annoncée des urgences

Le collectif Inter-Urgences revendique 80 services en grève dans toute la France, près de trois mois après le début du mouvement né à l’hôpital parisien Saint-Antoine après une série d’agressions. Il réclame des hausses de salaires de 300 euros net par mois, des hausses d’effectifs ou encore la sécurisation des locaux. « Nous manquons de sécurité, nous subissons des agressions verbales et physiques régulières des patients », s’est indignée auprès de l’Agence France-Presse (AFP) une infirmière de l’hôpital parisien Georges-Pompidou qui a souhaité rester anonyme.

« On a perdu près de 40 % de l’effectif en dix ans », a déclaré à l’AFP Florent, infirmier depuis treize ans au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, qui s’est dit « déterminé à poursuivre la grève ». Jeudi matin, Mme Buzyn a annoncé lors du congrès des urgentistes, à Paris, le lancement d’une mission de refondation des services d’urgences, promettant une « stratégie d’ensemble ». Elle a également promis un soutien financier aux établissements connaissant des surcroîts d’activité et s’est engagée à inciter les hôpitaux à mobiliser plus largement une prime de risque existante, de près de 100 euros brut par mois, pour les personnels paramédicaux. Enfin, elle recevra les urgentistes mi-juin pour préparer la période estivale, souvent critique pour leurs services.

« Risque de mort »

Autant de mesures jugées « insuffisantes par rapport aux revendications des personnels dans la rue aujourd’hui », a réagi pour l’AFP Hugo Huon, infirmier et membre du collectif Inter-Urgences. « Je suis très déçu », a abondé Patrick Pelloux, emblématique président de l’AMUF, pour qui « le gouvernement ne mesure pas l’ampleur de la contestation ». L’urgentiste et cégétiste Christophe Prudhomme a, de son côté, fustigé « une vaste blague ».

La pression n’a cessé de monter ces derniers jours sur la ministre. Mercredi, l’ordre des médecins avait réclamé « une concertation d’urgence » après « des réquisitions préfectorales » qui ont suscité de l’émotion, notamment à Lons-le-Saunier (Jura), où les gendarmes sont venus solliciter des soignants en pleine nuit la semaine dernière. Une mesure rendue nécessaire par « l’absentéisme soudain » de médecins « inscrits au planning et assignés » par la direction de l’hôpital, mais « s’étant déclarés en maladie », selon l’agence de santé régionale (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté.

Jeudi matin, Mme Buzyn a pris ses distances avec un tel recours à la gendarmerie. « Evidemment, ce n’est pas souhaitable », a-t-elle concédé, en rappelant qu’elle avait été « médecin hospitalier pendant vingt ans » et qu’il lui était « arrivé de faire grève ». Mardi, elle avait au contraire critiqué le choix d’une quinzaine d’infirmiers et d’aides-soignants de l’équipe de nuit des urgences de l’hôpital parisien Lariboisière de s’être fait porter pâle la nuit précédente. « C’est dévoyer ce qu’est un arrêt maladie », avait-elle déclaré.

« La situation est tellement dégradée que nous ne pouvons pas attendre, au risque de voir les morts se succéder dans les salles d’attente », a lancé à la ministre François Braun, président de l’association SAMU-Urgences de France qui la recevait jeudi au congrès. Le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016.