Le groupe de presse Ebra, qui regroupe plusieurs titres du Grand-Est, a exposé aux organisations syndicales son projet de supprimer 386 postes et de constituer une entité prestataire, Ebra Services, pour laquelle seraient créés 284 emplois, l’intersyndicale d’un des journaux redoutant vendredi « un démembrement » des titres.

Les neuf journaux du groupe Ebra sont concernés par le projet de suppression de 386 postes dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans les services création graphique, pagination, annonces légales, trafic digital, relations clientèle et maintenance informatique, a annoncé le groupe aux organisations syndicales, réunies jeudi à Paris.

Parallèlement, 284 postes seraient créés dans un « centre d’expertise partagé », nommé Ebra Services, regroupant ces fonctions support et établi à Houdemont (Meurthe-et-Moselle), siège social de L’Est républicain. Les « postes proposés au reclassement seront proposés en priorité » aux salariés du groupe, a indiqué à l’AFP la directrice des ressources humaines du groupe, Valérie Noël.

« Personne ne peut se projeter »

« On se laisse du temps pour construire ce projet, que l’on souhaiterait mettre en œuvre au 1er janvier 2021, et qui conduira in fine à une centaine de licenciements », a-t-elle ajouté. Cette restructuration a pour objectif « d’alléger les titres des charges fixes », d’atteindre de meilleures productivité et compétitivité pour « permettre au pôle presse de rester pérenne », a souligné Mme Noël.

Des négociations seront proposées aux syndicats lors d’une réunion le 19 juin, selon Mme Noël, rappelant que « le projet n’est pas définitif à ce jour ». « L’objectif est d’obtenir une baisse massive de la masse salariale, de faire des économies à grande échelle et de démembrer les titres », redoute l’intersyndicale du quotidien Le Républicain lorrain, dont le siège social est à Woippy (Moselle), selon laquelle le chiffre de 9,4 millions d’euros d’économies aurait été avancé par la direction du groupe.

« Ce qui arrive aujourd’hui ne s’est jamais vu : tous les services sont impactés, et personne ne peut se projeter », dénonce l’intersyndicale, réunissant CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et SNJ. Selon elle, les salariés postulant pour Ebra Services « risquent de perdre leur statut, leurs acquis sociaux, leur salaire » et « ne seront pas embauchés aux conditions de la presse quotidienne régionale ».

Risques psychosociaux

« La direction veut faire des économies, mais quand on fait partie d’un groupe qui fait 3,5 milliards d’euros de bénéfices en 2018, on ne s’y prend pas comme un rouleau compresseur. Il faut sûrement changer des choses, car la presse a évolué, mais on ne coupe pas des têtes pour le plaisir de faire des économies », a-t-elle dénoncé en faisant référence au Crédit mutuel, propriétaire d’Ebra.

Les délégués syndicaux craignent aussi que cette annonce accentue le mal-être des équipes depuis la réorganisation du journal il y a un an et demi, appelée « Digital first », à laquelle se sont ajoutés le transfert de l’imprimerie à Houdemont à la fin de 2018, avec 59 suppressions de postes, et le passage de la publicité en régie. « Les gens sont inquiets, cassés », a regretté l’intersyndicale, précisant qu’une vingtaine de salariés avait fait l’objet d’un arrêt maladie depuis un an et demi.

Une cellule d’écoute psychologique a été mise en place à la demande du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Un cabinet de conseil en ressources humaines et de gestion des carrières a été chargé d’effectuer un audit sur les risques psychosociaux au sein du journal. « Ce sont des éléments dont on a conscience », a dit la DRH, sans plus de commentaire.

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