Bénéficiant de l’initiative Madrasati (mon école), lancée en 2008 et visant à améliorer les conditions d’apprentissage physique et éducatif, de jeunes filles ont l’opportunité de pratiquer un sport dans une société qui ne leur en donne pas assez souvent l’occasion. "Les filles ont autant le droit de jouer au football que les garçons", commente Rahaf, la jeune coach de l’association. Le 17 novembre 2018. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Avec l’association, Haneen Al-Khateeb parcourt le pays, ballons sous le bras. Ce 17 novembre, à Amman, les ateliers qu’elle donne avec plusieurs autres coaches ont attiré une cinquantaine de filles de l’école Oum Baia. Alors que le sport est une matière négligée pour les filles en milieu scolaire, Madrasati s’attache à leur donner l’opportunité de s’essayer au football, au basket, au handball. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Haneen et sa meilleure amie Yasmeen se rendent régulièrement au camp de réfugiés de Zaatari, au nord de la Jordanie. Tous les matins, des dizaines de fillettes syriennes foulent le terrain, à l’abri des regards et donc de la pression de la communauté. Le football casse le rythme de la vie quotidienne du camp et permet de s’évader un moment, autant que faire se peut, de la réalité de la vie en exil. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Les entraînements de foot sont une opportunité de « vivre une vie normale », analyse Amal Al-Hichan qui les a initiés et qui les coordonne. « Au début, nous avons commencé avec 10 filles, dont mes 4 enfants ! Les familles étaient réfractaires. Elles avaient peur. Le football pour les filles, ça ne se faisait pas », se souvient-elle. « On a commencé par leur apprendre les règles puis la technique de base. Les parents ont constaté leur enthousiasme. Pour eux, ça a beaucoup compté de constater qu’elles s’épanouissaient en apprenant de nouvelles choses et en liant des amitiés ». / JOHANNA DE TESSIERES/COLLECTIF HUMA

« Tu portes le voile ? Ce n’est pas une raison. Viens essayer ! » s’exclame Islam, coach. Le football intervient par ailleurs comme un important outil de lutte contre les mariages précoces. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

« En devenant plus indépendantes, les filles prennent conscience de leurs capacités et les parents se rendent davantage compte de l’importance pour elles de vivre leur enfance », constate Amal. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Haneen et Yasemine jouent dans une équipe mixte tout les samedi et mardi soirs. Les garçons ont intégré le groupe car il n'y avait pas assez de joueuses. La mixité est normale pour ce groupe qui vient surtout ici « pour s’amuser et se défouler ». Cela fait 4 ans que Raad s’entraine avec les filles. Marié, il admet cependant qu’il éprouverait des difficultés à ce que sa femme rejoigne un tel groupe. « Nous vivons dans un quartier plus conservateur où cela serait mal perçu ». / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Discussion entre amis à la fin du match. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

« Je n’ai eu le droit à rien. Pas de sport ni de loisir. J’ai voulu donner à ma fille ce dont je n’ai pas bénéficié», se souvient Marwa, la mère de Yasmeen. Mazen, son père, la pousse à s’entrainer. « Au début, les garçons la rejetaient. Elle n’était pas censée jouer avec eux… mais elle a montré qu’elle en était capable. Je lui ai dit de perséverer. Elle devait y aller », se souvient-il. C’est avec fierté qu’il voit sa fille intégrer un club. « Quand le bus venait la chercher, je voulais que les voisins la voient avec son équipement ! » A 23 ans, Yasmeen a fait du football sa profession. Dans le cadre du programme « Sport for development », le football est utilisé comme un levier de développement personnel et sociétal. La jeune femme ne cache pas ses ambitions. «J’aimerais faire partie de ceux qui prennent les décisions à la FIFA. Vous savez qu’ils n’octroient que 3 % des montants aux femmes ? C’est indécent ». « Je vois en ma fille une future ministre des sports et un modèle pour les femmes du monde arabe », confie Marwa. Mazen, son père, « ne trace pour elle aucun chemin. On verra où le vent la mène. Elle est libre de ses choix et je la soutiens ». / JOHANNA DE TESSIERES/COLLECTIF HUMA

Le soir du 18 novembre 2018 , la Jordanie accueille l’équipe nationale d’Arabie Saoudite dans le cadre d’une rencontre amicale. « Si plus de femmes venaient supporter l’équipe nationale, les stades seraient beaucoup plus joyeux, commente Yasmeen. Mais la peur demeure, particulièrement lors des rencontres de championnats. Moi-même, je n’oserais pas m’approcher d’un stade à ce moment-là », concède la jeune femme de 25 ans. / JOHANNA DE TESSIERES/COLLECTIF HUMA

Si l’équipe nationale féminine ne pointe qu’au 54e rang mondial, selon le dernier classement de la FIFA, « ses bons résultats ont donné une image positive du sport féminin », soulève Soleen Al-Zoubi, chef du département technique de la Jordan Football Association. Les infrastructures ont gagné en qualité, notamment grâce à l’organisation de la Coupe du monde U17 filles, en 2016. « Ces deux événements ont jeté les bases de l’exemplarité qu’incarnent les joueuses », analyse Haneen. «Il y a peu encore, nous ne bénéficions d’aucune structure de prise en charge. Nous avons dû tout construire et nous faire notre place malgré les vents contraires, se souvient Stephanie Al-Nader. En travaillant à la Fédération, j’ai envie de donner ce dont je n’ai pas pu bénéficier ». Cette fonction, elle l’occupe en plus de son rôle de capitaine de l’équipe nationale. A 32 ans, elle y joue un rôle de modèle auprès des plus jeunes. / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Shahenaz est un pilier de l’équipe nationale féminine de Jordanie. Il y a peu, elle a intégré la Fédération en tant que coordinatrice des équipes jeunes. « Nous les faisons grandir », se réjouit-elle. « Voir que l’on peut réussir en jouant au foot, que l’on peut faire de sa passion sa profession, cela leur donne confiance et les encourage à s’accrocher ». Lorsque les instances internationales avaient décidé de bannir le voile en compétition internationale, Shahenaz avait mis en suspend sa carrière. De retour sur les terrains, elle « montre aux filles et à leur famille que la pratique du football n’est pas incompatible avec le port du voile, qu’il n’y a pas de compromis à faire entre le sport et la foi ». / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Les émotions qu’éprouve Soleen Al-Zoubi en foulant le gazon sont les mêmes que celles qu’elle a ressenties la première fois qu’elle a shooté. « Quand je joue au foot, j’ai le sentiment que le monde m’appartient », raconte l’ancienne joueuse de l’équipe nationale. Elle, Shahenaz et Stephanie gagnent leur vie grâce au football, sur le terrain ou dans les instances dirigeantes. « Le fait de pouvoir faire du foot sa profession est totalement neuf et rassure la famille », explique le directrice technique des équipes nationales jeunes et assistante technique de l’équipe nationale masculine. / JOHANNA DE TESSIERES/COLLECTIF HUMA

Le 23 novembre 2018, Haneen et son collègue Aded se rendent à Agraba, à quelques kilomètre de la Syrie voisine. Il est un des rares hommes de l’association. Pour lui, rien de plus normal que de donner aux filles l’opportunité de faire du sport. Et que ce soit des filles qui le leur enseignent. « Le droit de pratiquer un sport ne fait pas de distinction entre les sexes », insiste-t-il. « Les mentalités évoluent… mais cela prend du temps. » / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA

Dans le village d’Agraba, l’espace manque et le revêtement n’est pas idéal pour une pratique correcte du football. Mais l’essentiel est ailleurs. « Les cours de sport à l’école n’existent pratiquement plus et il est totalement interdit pour les filles de le pratiquer en parascolaire. Il existe un terrain de football dans le village, mais elles ne peuvent pas se mêler aux garçons qui l’occupent », raconte Ansaf Hamedna. La directrice de l’établissement ne mâche pas ses mots. « Les filles n’ont pas les mêmes droits que les garçons : ni pour le sport ni pour le reste. Il n’y a pas d’égalité. » / JOHANNA DE TESSIERES / COLLECTIF HUMA