Feuille de timbres de la poste du camp de Bando, au Japon: 11 000 euros. / DR

Consacré aux « émissions officielles & de fantaisie » du monde entier, bref, à tout ce qui ressemble à un timbre-poste – vignettes de fantaisie, productions d’Etats fantoches ou timbres émis le plus légalement possible –, le premier volume de L’Atlas de la philatélie est paru. Consacré aux lettres A et B, ce hors-série du mensuel Timbres magazine permettra aux collectionneurs chevronnés et aux plus néophytes d’identifier l’origine de leurs timbres.

L’ouvrage respecte un strict ordre alphabétique, des timbres de Aachen (Aix-la-Chapelle), poste locale au XIXe siècle, aux surcharges de Bzenec, parues à la Libération, sur des timbres de Bohême et Moravie, avec des « zooms » pour les entités plus importantes, comme l’Abkhazie ou les Etats constitués (Afrique du Sud, Andorre, Belgique, etc.). Mais point de timbres fiscaux et de « colis postaux », à quelques exceptions près… C’est des milliers de pages qu’il aurait fallu !

Cet Atlas réactualise – à hauteur de plus de 40 %, selon Michel Melot, son principal contributeur, et ancien rédacteur en chef de Timbroscopie le travail de référence de Georges Chapier, Les Timbres de fantaisie et non officiels, qui datait de 1963, et le Dictionnaire des émissions philatéliques, de Jacques Delafosse (Timbropresse, 2004).

« Nous sommes allés bien au-delà des seuls timbres émis par les pays actuels ou passés. L’Atlas référence notamment ceux des Etats comme pour l’Allemagne avant l’unification, ceux des gouvernements en exil, des bureaux à l’étranger (…), des régions avec en outre les zemstvos de Russie, des préfectures comme au Japon », précise Gauthier Toulemonde, le rédacteur en chef de Timbres magazine et directeur de Timbropresse, son éditeur…

« Plus de 400 entrées »

Dans l’éditorial du hors-série, Gauthier Toulemonde explique que « si l’ensemble des timbres émis depuis 1840 sont tous répertoriés dans les catalogues, il n’en demeure pas moins que les identifier s’apparente parfois à chercher son chemin en pleine forêt amazonienne. De nombreux timbres se ressemblent (…). Certaines surcharges modifient l’usage du timbre, de fiscal il devient postal, tandis que d’autres vont signifier que le pays est occupé ».

Un exemple de page intérieure de « L’Atlas ».

C’est qu’il s’agira, à terme, de permettre aux collectionneurs de « tenter d’identifier ce qui n’est pas forcément un timbre » : « Selon l’université du Manitoba, le nombre d’entités émettrices de timbres serait de 5 600. Actuellement 197 pays sont membres ou reconnus par l’Onu (…). Avec plus de 400 entrées pour les seules lettres A et B, le présent Atlas confirme ce foisonnement »… puisqu’on y retrouve des pays disparus ou dont les noms ont changé, des pays éphémères ou imaginaires (Acre ou Counani, dans le prochain tome), des bureaux à l’étranger (Beyrouth pour la France, Bangkok pour la Grande-Bretagne, etc.), des villes (Bâle, en Suisse), etc.

L’Atlas recense aussi les timbres non émis, les faux timbres, les multiples surcharges dans les périodes les plus troublées, les timbres d’hôtels, les timbres de grève, des timbres « à vocation touristique » (« Brecqhou », non loin de Guernesey). Le tout le plus souvent illustré.

Ainsi, le timbre demeure un vecteur de communication, montrant que la dématérialisation du courrier a encore des étapes à franchir pour s’en affranchir. Il reste une marque de pouvoir et de souveraineté, comme le souligne Gauthier Toulemonde. L’Atlas illustre ses propos, par exemple, avec le référencement des émissions de pays nés de l’éclatement de l’URSS, comme l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Arménie (émissions de 1919, 1920, etc. jusqu’aux premiers timbres de l’Arménie indépendante, en 1992), ou des émissions non reconnues par l’Union postale universelle, comme les timbres de « Bachkirie », de « Bessarabie » ou d’« Adyguée » (Adigey, Causase, Russie, à partir de 1992)…

Alexandria, Alexandrowo…

L’avant-propos précise que « pour des motifs pratiques, il est matériellement impossible de présenter l’intégralité des émissions d’un pays… Nous nous en tenons aux évolutions significatives. Ainsi, pour Aden, il est mentionné successivement l’utilisation de timbres de l’Inde, puis de la colonie anglaise de l’Arabie du Sud, du Yémen du Sud pour terminer par les timbres du Yémen réunifié »… A charge ensuite aux collectionneurs de se reporter aux catalogues spécialisés, édités par Yvert et Tellier en France, Michel en Allemagne, Stanley Gibbons en Grande-Bretagne…

Les philatélistes apprécieront la mention des différentes orthographes des noms des pays : « Un lecteur disposant d’un timbre légendé Shqipëria cherchera son identification à la lettre S. Il sera ensuite renvoyé à Albanie où il disposera des explications ».

Au fil des pages, le lecteur pourra faire la différence entre les timbres d’Alessandria (Italie), Alexanderstadt (Ukraine), Alexandrette (bureau français en Syrie), Alexandrie (bureau français en Egypte), Alexandria (Egypte), Alexandria (Virginie, Etats-Unis, dont on connaît deux valeurs, dont une sur lettre, rarissime), Alexandria (poste locale, zemstvo, en Russie), Alexandrowo (Pologne)… ou découvrira la production exotique du Bhoutan : des timbres « sonores », en plastique, en forme de disque microsillon qui, une fois mis sur un électrophone, jouent l’hymne national du pays (1973).

L’Atlas n’est pas avare d’histoires étonnantes. Michel Melot retient plus particulièrement la prolifique production d’un certain Samuel J. Taylor, aux Etats-Unis et au Canada, probablement un négociant en timbres, qui imprima au XIXe siècle une flopée de vignettes plus ou moins fantaisistes qui ont leur public (« Baldwin’s Railroad Post », en 1865, au Nouveau-Brunswick ; « Bancroft’s City Express » à Montréal (Québec), en 1865 ; « Brown’s Stamp Depot City Post », à Nassau, Etat de New York, en 1877).

M. Melot a découvert qu’Ajeh, en 1882, « sultanat fantôme vassal de Sumatra a émis des timbres fantaisistes devenus fort rares aujourd’hui », dont un exemplaire a atteint plusieurs centaines d’euros dans une vente.

Dans son numéro de mai, Timbres magazine consacre une page à « l’incroyable histoire du camp de Bando » et à ses « timbres » – répertoriés dans ce hors-série –, des vignettes plutôt, revêtues de l’inscription en allemand « LagerPost Bando » (« poste du camp de Bando »), un camp d’internement des Allemands au Japon durant la première guerre mondiale (le Japon est du côté des Alliés), ouvert en 1917 et fermé en 1920…

« Les prisonniers se voient accorder par les autorités japonaises le droit de créer des billets de banques. Deux timbres sont aussi émis et imprimés localement », le tout dans une espèce de « petite Allemagne » en plein Japon. L’auteur de l’article précise que « certains ont même voyagé », carte postale à l’appui « mise aux enchères par Gärtner à un prix de départ de 1 000 euros »… Des feuilles de ces deux timbres ont même atteint 11 000 euros en 2015 chez le même vendeur.

Le prochain tome (lettres C et D) devrait paraître pour le Salon philatélique d’automne, en novembre.

« L’Atlas de la philatélie (A-B) », 100 pages, 13,78 euros, en vente uniquement par correspondance auprès de l’éditeur, Timbropresse, Tour Gallieni 2, 36, avenue du Général-de-Gaulle, CS 90056, 93175 Bagnolet.

« L’Atlas de la philatélie (A-B) », 100 pages, 13,78 euros, en vente uniquement par correspondance auprès de l’éditeur.