Rose Reilly en 1975 au club féminin de l'AC Milan / Wipédia/Archives du club

Le 18 novembre 1972, l’équipe féminine de football d’Ecosse joue son premier match officiel. Son adversaire n’est autre que l’« Auld Ennemy », l’Angleterre, rivale sportive inégalée. Le football féminin écossais, interdit en 1921 par la fédération, n’en est alors qu’à ses balbutiements. Ce premier match international disputé par les Écossaises se joue au Stade de Ravenscraig, à Greenock, qui éblouit des joueuses habituées à évoluer sur des terrains municipaux, avec les badauds pour seul public.

Le jour J, l’Écosse s’incline 3-2 face à la « perfide Albion ». Mais, de ce match, au cours duquel elles avaient ouvert le score et même donné une frayeur aux Anglaises, en menant 2-1, les Ecossaises ont surtout retenu une chose : le but inscrit par Rose Reilly, qui leur a permis un moment d’y croire. L’attaquante avait trouvé directement la cage en tirant un corner.

Rose Reilly n’est pas « n’importe qui » dans cette équipe. La joueuse, qui évolue dans le club écossais de Westthorn, a une histoire singulière. Qui illustre toute la difficulté pour les femmes de pratiquer le football.

Cheveux coupés très court pour se mêler aux garçons

La jeune femme a toujours joué au football. Mais elle a dû user de subterfuges pour vivre sa passion. A l’âge de sept ans, elle s’est ainsi coupé les cheveux très courts, sur les conseils de son entraîneur, pour pouvoir se mêler aux garçons de son club local.

Son talent est tel qu’un recruteur des Celtic Glasgow, impressionné par les sept buts que la jeune Rose a inscrits lors d’un match, veut absolument l’approcher pour lui faire une proposition. Il se rétracte quand il comprend que Rose est une petite fille. « Je pensais que si j’étais assez bonne, je pouvais jouer pour le Celtic », regrettait-elle des années après.

Ses parents n’acceptent pas sa passion pour le football. Ils tentent de la convaincre de se tourner vers l’athlétisme, discipline dans laquelle elle excelle adolescente. A l’école, elle est repérée par le professeur de sport des garçons et s’entraîne avec eux.

Rapidement, Rose doit faire un choix. Elle ne peut se résoudre à arrêter le football. Ses parents, n’y voyant aucun avenir, ne la soutiennent pas. Leur réticence n’est que le reflet de la mentalité de l’époque.

Reilly n’abandonne pas. Après avoir gagné la première Coupe d’Ecosse féminine en 1971 avec le club de Stewarton Thistle, elle s’envole pour Reims en 1974 afin d’embrasser une carrière professionnelle.

Après six mois au sein du club champenois, avec qui elle rafle la première place du podium de Division 1, elle part pour l’Italie et l’AC Milan, ce qui lui vaudra une exclusion de la fédération écossaise.

Peu importe pour Rose : « C’était tant pis pour eux. J’étais passée à autre chose. Je n’avais pas la grosse tête, mais je suis pragmatique et réaliste. Je me suis juste dit “qu’est-ce qu’ils sont fermés d’esprit” », confiait-elle au Guardian en 2017.

Écossaise et internationale italienne

En 1980, la footballeuse accomplira l’exploit de jouer pour deux clubs en même temps. Le samedi à Lecce, avant de s’envoler pour Reims, avec qui elle joue le dimanche. Cette année-là, elle remporte deux Championnats : en France et en Italie.

Elle restera vingt ans en Italie, son pays d’adoption, et jouera pour huit clubs différents. Rose finira même par devenir une joueuse internationale italienne.

En 1984, elle remporte avec l’Italie le Mundialito féminine, un embryon de compétition mondiale pour les joueuses, au cours duquel elle marque un but décisif lors de la finale face à l’Allemagne (3-1).

En 2007, elle rentre au Hall of Fame des sportifs écossais. Une reconnaissance officielle pour celle qui n’a jamais été soutenue par sa famille ou par sa nation sportive originelle.

Quand elle se souvient du premier choc Écosse-Angleterre, disputé par des équipes féminines, Rose se confie, nostalgique, au micro de la FIFA en juin 2019 : « C’était un match fantastique, une belle vitrine pour le football féminin ».

Alors que c’est la première fois que l’Écosse se qualifie pour une phase finale d’un Mondial féminin, Reilly ne sera pas à Nice dimanche 9 juin, pour assister au match de son pays natal contre l’Angleterre.

Celle qui fut autrefois bannie par sa fédération a confié à la FIFA à quelques jours du Mondial : « J’espère seulement que les filles auront un quart de la passion que j’avais et que j’ai encore pour ce sport. Je pense qu’elles vont nous rendre fière. »