Emmanuel Macron lors d’une cérémonie de commémoration à la maison d’arrêt de Caen (Calvados), le 5 juin. / JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »

Dans une tribune mise en ligne ce samedi soir par le Journal du dimanche, 71 maires et un président de conseil départemental (François Goulard, pour le Morbihan) issus de 35 départements et 12 régions, annoncent la création d’une « République des maires et des élus locaux ». Un texte qui officialise ou confirme leur soutien au président de la République, Emmanuel Macron, alors que l’exécutif cherche à attirer les maires de la droite et du centre après le faible score du parti Les Républicains (LR) aux élections européennes du 26 mai (8,48 %).

L’initiative est partie de Christophe Béchu, maire divers droite d’Angers et ancien porte-parole d’Alain Juppé pendant la primaire de la droite en 2016, et elle a séduit les maires de villes moyennes comme Orléans, Tourcoing (Nord), Deauville (Calvados), Niort, Amiens, Valenciennes, Vannes, Nancy, Sète (Hérault) ou Albi. Parmi eux, des élus de droite et du centre, issus de l’UDI, du parti Les Républicains (LR), des Radicaux, du Nouveau Centre ou d’Agir.

« Mais bien plus de la moitié ne sont nulle part », précise au Monde le maire d’Angers qui décrit « des gens qui globalement refusent l’opposition systématique au gouvernement et souhaitent sa réussite » sans pour autant être « dans une démarche d’allégeance ». Une partie d’entre eux avait déjà lancé le mois dernier un appel à voter en faveur de la liste de Nathalie Loiseau aux élections européennes.

Soutien clair au président de la République

Le texte de cette tribune est sans ambiguïté avec le pouvoir actuel. « Nous sommes de ceux qui souhaitent la réussite impérative de la France, c’est pourquoi nous voulons la réussite du président de la République et du gouvernement car rien ne se construira sur leur échec », écrivent-ils en rappelant en préambule que « le grand débat voulu par le Président de la République a révélé les aspirations légitimes de Français qui se sentent délaissés, éloignés, relégués. Il a également souligné le rôle pivot des maires et des élus locaux dans notre République. »

Forts de ce constat, ces derniers relèvent que « les Français semblent coupés en deux, entre une Europe des solutions et une Europe des problèmes, entre un avenir prometteur et des lendemains incertains ». Et ils estiment « qu’il n’est pas trop tard pour redonner au plus grand nombre confiance en l’avenir et en l’action politique. Le succès rencontré par le grand débat et le regain d’intérêt marqué pour les européennes nous obligent. »

Ils n’en doutent pas, l’avenir passe par eux : « Nous sommes la République des Maires et des élus locaux. La République des propositions. La République des solutions. » Persuadés que « l’essentiel des réformes se construit au local dans l’écoute, la co-construction et la réponse concrète aux attentes de nos concitoyens. »

Et de préciser : « Nous souhaitons valoriser et transmettre ce qui a fonctionné dans nos villes, sur nos territoires, ce que nos concitoyens ont adopté et qui bénéficie au plus grand nombre. Pas à un camp, mais à tous. Le temps n’est plus aux querelles de chapelles ou aux écuries présidentielles. Le temps ne peut pas être à l’opposition systématique qui in fine ne fait que desservir nos concitoyens. »

S’appuyer sur les initiatives locales

Christophe Béchu cite en appui de sa démonstration le cas des journées citoyennes organisées dans différentes communes. « C’est l’idée de Fabian Jordan, qui est maintenant le président de l’agglomération de Mulhouse et qui l’a lancée comme maire de Berrwiller (Haut-Rhin). Ça n’a jamais fait l’objet d’une loi, d’un amendement, d’un règlement et pourtant aujourd’hui 2 000 communes en organisent une en France – avec 4 000 personnes à Angers cette année. C’est un élan de générosité qui répond à la crise du vivre ensemble. Cette association, c’est la volonté de faire entre nous un club d’échanges de bonnes pratiques, dans lequel on va valoriser des initiatives qui ont été prises par des maires pour qu’elles se propagent. »

Le maire d’Angers a préalablement averti le président de la République de cette initiative « pour qu’elle ne soit pas mal comprise ». Sans surprise, Emmanuel Macron ne l’a pas « découragé ». Idem pour Edouard Philippe, ex-juppéiste comme lui, qui l’a convié à déjeuner cette semaine. Mais, insiste-t-il, « ce n’est pas un coup médiatique, ni une tribune d’un dimanche, c’est le lancement d’une initiative qui va ensuite se structurer, faire l’objet de statuts et qui a vocation à prendre place dans le débat public. »

De là à suggérer que l’opération aurait été en réalité téléguidée par l’Elysée ou Matignon, la question hérisse l’intéressé : « Vous pensez ce que vous voulez mais je ne pense pas que ce qui me caractérise, ce soit l’obéissance aux consignes. Et j’ai une jalousie par rapport à mon indépendance que j’ai manifestée par le passé. »

Cette association n’aurait pas non plus vocation à se transformer un parti politique pile au moment où Les Républicains – dont il a démissionné fin 2017 – vivent une crise profonde. « On n’est absolument pas là-dedans. Il n’y a aucune arrière-pensée partisane, se défend M. Béchu. Je précise que la décision de tout ça a été prise avant la démission de Laurent Wauquiez et qu’il n’y a aucun lien. Il y a une concordance des temps qui est malheureuse. »

Un texte publié au terme de deux semaines d’offensive

La publication de cette tribune arrive pourtant après deux semaines d’offensive de l’exécutif contre la droite. Dans différents médias, plusieurs ministres, comme celui des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, celui des comptes publics, Gérald Darmanin, celui de la culture Franck Riester, ou encore eurodéputé Gilles Boyer ont exhorté les élus LR à s’éloigner de leur parti pour soutenir Emmanuel Macron et ainsi être protégés lors des prochaines élections. L’initiative de M. Béchu offre une nouvelle porte de sortie à ces maires de droite.

Malgré ce contexte de recomposition, la République des maires et des élus locaux continue pourtant à se dire au-dessus de la mêlée. « On se dit que l’opposition systématique a deux inconvénients. Le premier, c’est qu’elle hystérise le débat politique. Et le deuxième, c’est que si vous dites que tout est mal au lieu de dire que c’est bien quand ça l’est, le jour où il y a un point sur lequel il faudrait obtenir un amendement ou une co-construction législative, vous n’êtes plus un partenaire crédible pour le faire », dit encore M. Béchu.

Le succès « inattendu » de cette tribune étonne ce dernier qui assure : « On n’a pas cherché à faire nombre en allant chercher des adjoints, des conseillers départementaux et régionaux alors même qu’un certain nombre d’entre eux se sont proposés. » Il pense désormais que la barre des 100 signataires devrait être rapidement dépassée.