Sans titre (2014), de Djamel Tatah, huile et cire sur toile (200 x 600 cm). / GALERIE POGGI, PARIS & BEN BROWN FINE ARTS, LONDRES

Il suffit de quelques œuvres à Djamel Tatah pour recréer son monde, où que ce soit. Ce monde est celui de jeunes femmes dont l’une cache son visage derrière une main aux doigts écartés et l’autre repousse quelque chose ou quelqu’un qui la menacerait, et de jeunes hommes debout ou assis, dans des espaces que définissent seulement des plans colorés brun sombre, jaune souffre ou gris bleu. On ne sait ni où l’on est, ni ce qu’ils font. D’autres sont allongés contre d’autres surfaces monochromes, endormis ou morts. Conformément à la règle que s’est fixée l’artiste, les visages sont impassibles, comme sont neutres les tons de leurs vêtements aux plis dessinés par des lignes brisées plus claires.

Il n’y a ni récit explicite, ni symbole ostensible, mais il est impossible de ne pas supposer que cet homme aux bras ballants, qui passe près d’un autre couché au sol sans le voir apparemment, soit la figure d’une tragédie, guerre ou misère. Pas plus que cet autre, étendu face contre terre, ne peut être regardé sans songer aux innombrables images de morts qui circulent dans l’actualité et qui, ici, se fixent dans une forme mémorable. Par exception, une toile contient une référence située et datée : le visage d’une statue antique fracassée, comme tant l’ont été récemment dans des musées, à Palmyre et ailleurs en Syrie et en Irak. Elle restera comme le signe inoubliable de ces désastres.

« Vois-là », Galerie Jérôme Poggi, 2, rue Beaubourg, Paris 4e. Du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 15 juin.